14/ Architecture au 20e siècle

Introduction

Les quelques années qui précèdent la Première Guerre Mondiale voient se mettre en place les éléments d’une nouvelle esthétique nourrie par les avant-gardes picturales et poétiques: le cubisme, la naissance de l’abstraction, le futurisme italien {Le futurisme est un mouvement littéraire et artistique européen du début du 20e siècle (de 1904 à 1920), qui rejette la tradition esthétique et exalte le monde moderne, en particulier la civilisation urbaine, la machine, la vitesse}

La Première Guerre mondiale va provoquer le départ d’artistes et d’architectes belges à l’étranger, en particulier aux Pays-Bas (demeurés neutres) et en Angleterre. Cet exil va être l’occasion pour eux de découvrir ce qui se fait ailleurs et d’élargir ainsi leur univers de référence. Leurs œuvres d’après-guerre seront généralement marquées par ces découvertes.

Ainsi, durant l’entre-deux guerres, la Belgique va se révéler être un carrefour particulièrement sensible aux expériences de toutes les avant-gardes européennes. Soutenus par quelques amateurs éclairés, les artistes de l’avant-garde belge vont déployer une activité éditoriale et polémique infatigable. Ils vont se rencontrer dans des clubs et des cercles artistiques, vont mettre sur pied des revues et maisons d’édition, se regrouper au sein d’associations, multiplier les expositions et les conférences et participer activement aux événements internationaux {Van Loo (A), L’architecture de l’avant-garde, in L’avant-garde en Belgique 1917-1929, éd. Crédit Communal, 1992, p.127-128}.

Le contexte {Pour l’essentiel, ce qui suit est extrait de: Van Loo (A), L’architecture de l’avant-garde, in L’avant-garde en Belgique 1917-1929, éd. Crédit Communal, 1992, p.127}

Au 20e siècle, le renouveau de l’architecture va naître d’un perfectionnement de la construction en fer: le béton armé, c’est à dire des armatures métalliques noyées dans du béton {Le béton est un mélange de sable, de graviers, d’eau et de ciment (ciment qui est lui-même un mélange d’argile et de calcaire qui a subi une cuisson préalable avant d’être moulu)}. Grâce à ce matériau très résistant, il est possible d’envisager de longues portées et donc de créer des formes nouvelles.

Ce nouveau matériau, dont les premiers essais remontent aux années 1850, va être largement employé dans les constructions industrielles (ponts, routes, viaducs) dès 1900 avant de pénétrer lentement l’architecture.

Le passage de l’Art nouveau au “Mouvement Moderne” va se faire par étape. Il y a d’abord l’œuvre et les écrits de certains architectes belges Art nouveau (V. Horta, p.Hankar, H. Van de Velde). Par ailleurs, il y a aussi l’art nouveau autrichien (le “Style Sécession”), tout en retenue formelle (moins végétal et plus “géométrique” que l’art nouveau qui prédomine en Belgique et en France à la même époque), qui va lui aussi jouer un rôle non négligeable {Il ne faut pas non plus oublier le rôle joué par l’architecte décorateur Charles Rennie Mackintosh (1868-1928), membre du mouvement Arts and Crafts et dont le style oppose angles droits et motifs décoratifs d’inspiration florale avec des courbes douces}.

La construction (1906-1911), à Bruxelles, du Palais Stoclet {icon map-makerAv. de Tervuren, 275 – 1150 Woluwe St-Pierre (Bruxelles)}, par l’architecte autrichien Joseph Hoffmann, va faire sensation auprès des jeunes architectes de l’époque. Entièrement aménagé par les Wiener Werkstätte (ateliers artisanaux viennois -créés par Hoffman et Moser- qui produisent des meubles, objets décoratifs et feronneries dans un style géométrique et linéaire), cet édifice va constituer un point de référence incontournable de la modernité pour les architectes belges de l’époque.

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A Bruxelles, Léon Sneyers (1877-1949), ancien élève et collaborateur de Paul Hankar, est le principal propagateur du style viennois qu’il a découvert en 1902 à l’Exposition Internationale de Turin. Créateur de meubles, de tapis, de papiers peints, il va jouer un rôle très important dans le passage de l’Art Nouveau géométrique à l’Art Déco.

A partir de 1905, l’évolution va dans le sens de l’épuration et la géométrisation des lignes et la mise en œuvre de matériaux traditionnels et modernes. L’architecte Antoine Pompe (1873-1980) sera parmi les premiers à suivre cette tendance.

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En 1910, il construit, à Bruxelles, la Clinique du Docteur Van Neck {icon map-makerRue Wafelaers, 53 – 1060 St-Gilles (Bruxelles)} qui exprime une voie originale où artisanat et industrie ont chacun leur place. Ce bâtiment se caractérise notamment par la rigueur de ses formes, la grande pureté de ses lignes dépouillées et sa simplicité. Les effets décoratifs sont initiés par des nécessités fonctionnelles ou constructives. Les pilastres de la façade sont des gaines de ventilation et les parois translucides en briques de verre (malheureusement disparues) permettaient à la lumière de pénétrer dans une salle de rééducation tout en garantissant l’intimité des personnes qui s’y trouvaient (l’intérieur de la salle n’étant pas visible depuis la rue).

Par ailleurs, au lendemain de la Première Guerre mondiale, on va voir émerger, un peu partout en Europe, l’espoir que des formes de sociétés plus justes vont naître soit par la révolution {Comme la Révolution russe ou la Révolution allemande de 1918-1919}, soit par des réformes {Pour rappel, en Belgique, à partir de 1919, une série de réformes vont voir le jour: le suffrage universel pur et simple, l’introduction d’imôts personnels progressifs, la pension, l’assouplissement du droit de grève, la journée des 8 heures, la semaine des 6 jours}. Cette tendance va également se marquer au niveau de l’architecture, à qui l’on veut donner une dimension sociale et collective. “Architecture et Société”, voilà la question. Un certain nombre d’architectes vont, dès lors, être à la fois engagés dans le débat esthétique et la réflexion sociale. C’est ainsi que l’architecte Victor Bourgeois va notamment déclarer: “(…) nous ne voulions pas que la guerre fût une parenthèse. Les sacrifices, les misères, les destructions avaient mûri notre volonté de solidarité sociale.” {Cité in Collectif, L.H. De Koninck, éd. AAM, Bruxelles, 1980, p.59}.

L’urbanisme, nouvelle spécialité, va être vu comme un moyen d’atteindre l’harmonie entre les hommes et d’assurer le plein développement des individus. La Belgique va jouer un rôle actif au sein du Mouvement urbaniste international (et ce, dès la veille de la Première guerre mondiale) {Aubry (F), Vandenbreeden (J), Vanlaethem (F), L’architecture en Belgique, Art Nouveau, Art Déco et Modernisme, éd. Racine, 2006, p.305}.

L’Art Déco

Les années 1920 sont une bouffée d’air venant d’Amérique qui s’engouffre dans un pays dévasté.

L’Art Déco exprime parfaitement les aspirations d’une génération qui veut rompre avec le passé immédiat et vivre le moment présent. L’automobile, la moto, les trains plus rapides, bientôt les avions de ligne, les bateaux transatlantiques apportent l’ivresse du moment qu’accompagnent les cocktails, les cigarettes anglaises, la photographie, la radio (TSF), les dancings… L’attrait pour le soleil, la vie au grand air, le contact avec la nature et la gymnastique sont à l’ordre du jour. Libération des mœurs, libération des corps: les lourdes tenues 1900 font place à des vêtements courts adaptés au sport, des maillots {Culot (M), Modernisme et Art Déco, Journées du Patrimoine, 18-19/09/2004, Région de Bruxelles-Capitale, p.6-7}.

“L’Art déco” est un style qui exprime la modernité d’une bourgeoisie entreprenante. Il fait référence à un art de vivre et exprime une époque où la mode et les mœurs commencent à se libérer des conventions de la société d’avant-guerre.

Il recourt à une ornementation, parfois abondante, utilisant sans compter les marbres luxueux, les bois précieux, les étoffes soyeuses, les ornements en fer forgé martelé, les bas-reliefs, les frises et moulures dorées et même les colonnes et pilastres inspirés de l’architecture antique.

En opposition à l’austérité moderniste (voir infra) qui veut se libérer du poids de la tradition (voir infra), l’Art Déco, au contraire, offre un cadre de vie hédoniste où tradition et modernité s’associent pour servir le confort de l’usager. Il se nourrit de références multiples à d’autres styles, d’autres cultures: tradition locale, art précolombien, art égyptien, byzantin, avant-garde (cubisme, futurisme…), motifs floraux ou abstraits, tissus africains, tapis berbères… {Collectif, Modernisme et Art Déco, Intérieurs bruxellois, éd. Alice, Bruxelles, 2004, p.9}

La maison du banquier Van Buuren à Bruxelles {icon map-makerAv Léo Errera,41 – 1180 Uccle (Bruxelles)} , devenue un musée, constitue l’un des ensemble Art Déco les plus complets et les plus cohérents de Belgique.

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Au cœur de la capitale, l’Art Déco va s’imposer en particulier dans les lieux de travail, de commerce (magasins, banques…) mais aussi de plaisir (café, restaurants, cinémas…). Les années de l’entre-deux guerres vont être marquées notamment par l’ouverture de nombreuses salles de cinéma (plus de 100 à Bruxelles) {Même si le cinéma connaissait déjà un engouement certain auprès du grand public avant la Première guerre mondiale, il ne va connaître, toutefois, son véritable essor qu’à partir de la fin des années 1920, lorsque les films parlants vont faire leur apparition et que l’industrie cinématographique américaine va se mettre à inonder le marché} et de lieux de “plaisirs” pour les noctambules (dancings, music-halls, clubs de jazz) {Collectif (Région de Bruxelles-Capitale), Modernisme et Art Déco, éd. Mardaga, 2004, p.7}. Dans le domaine de la “grande” Culture, la réalisation la plus importante à Bruxelles va être incontestablement l’édification (1922-1929) par Victor Horta du Palais des Beaux Arts {Il est implanté entre la Rue Royale et la Rue Ravenstein}, bâtiment qui ne va pas tarder à marquer la scène culturelle bruxelloise de son empreinte. Il va être le premier grand centre culturel de cette ampleur en Belgique (il fait 30.0000 m2), voire en Europe. En rupture avec le style Art nouveau (dont Victor Horta a été le protagoniste), le bâtiment est façonné dans un style plus sobre et présente des éléments de décoration Art Déco.

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Par ailleurs, parallèlement à la vie nocturne, le sport et le jeu vont devenir des loisirs très populaires de l’entre deux-guerres. L’exercice physique est encouragé. L’intérêt du grand public pour le sport est galvanisé par de grands événements tels que les jeux olympiques organisés en 1920 à Anvers ainsi que l’attention qui lui est portée par les médias. Cela va se traduire, sur le plan architectural, par la construction d’infrastructures sportives, dont des piscines. A titre d’exemple, on peut citer, à Bruxelles, les bains publics de St-Josse {icon map-makerRue Saint-François – 1210 Saint-Josse-ten-Noode (Bruxelles)} (1930-1933) qui sont en bel exemple d’architecture Art Déco {}.

Le Modernisme

Le Modernisme qui s’élabore simultanément à l’Art Déco est surtout défendu par des architectes qui rejettent l’idée même de style et demandent que l’architecture exprime les aspirations de progrès et de démocratie d’un futur idéalisé. Il s’agit de participer à la création d’un homme nouveau {Culot (M), Modernisme et Art Déco, Journées du Patrimoine, 18-19/09/2004, Région de Bruxelles-Capitale, p.6-7}.

Le modernisme avance un projet communautaire qui tentera d’abord de s’accomplir dans la construction de cités-jardins (voir infra). Des cendres de la Première guerre mondiale, un monde nouveau doit naître, débarrassé des maux du passé: individualisme, pauvreté, égoïsme, luxe, insalubrité… Et, dans la construction de ce monde nouveau, l’architecte occupe une place de choix. L’architecture entend résoudre les problèmes des “masses”, satisfaire les besoins de la vie pratique et ceux de la sensibilité. L’industrie offre les possibilités techniques de produire une série d’habitations, meubles et objets permettant d’introduire dans les foyers la beauté et le confort minimum {Collectif, Modernisme et Art Déco, Intérieurs bruxellois, éd. Alice, Bruxelles, 2004, p.11}.

L’avant-garde entend traiter les grandes questions que pose la reconstruction du pays (la motorisation, la construction de vastes ensembles…) et ce, en étant délié de tout enracinement dans la tradition {Guide l’architecture des années 1925 à Bruxelles, AAM, Bruxelles, 1988, p.8} et de tout ancrage culturel. Il s’agit de faire table-rase du passé et de l’histoire.

Aux antipodes de l’Art déco, le “Modernisme” rejette toute ornementation et privilégie la fonction. Il cherche une forme idéale pour chaque fonction (s’asseoir, ranger, circuler…). C’est l’utilité qui est le contenu de l’esthétique.

Il peut se définir comme un savant jeu de lignes et de volumes géométriques purs, méritant dans certains cas la dénomination d’architecture cubiste. C’est une architecture de volumes et de surfaces nues faisant appel à un système de toiture-terrasse (toiture plate) et de fenêtres tout en longueur pourvues de châssis métalliques.

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Ce courant, dont la machine est l’héroïne, exalte tout particulièrement les matières liées à l’industrie et à l’ingénierie moderne: béton, brique de verre, acier, aluminium… L’industrie permet des prouesses techniques et la fabrication en série. Fini le temps de l’artisanat…

Les Pays-Bas, où plusieurs architectes ont séjourné pendant la guerre, deviennent une référence incontournable. L’esthétique du groupe De Stijl, rassemblé autour du peintre Piet Mondrian, va jouer un rôle essentiel dans les premières recherches des architectes modernistes.

A partir de 1925, une autre influence se marquera, celle des gratte-ciel américains et à partir de 1930, celle de l’architecte suisse Le Corbusier.

Parmi les protagonistes de l’architecture moderniste en Belgique, on peut citer Victor Bourgeois (1897-1962), Gaston Brunfaut (1894-1974) {Parmi ses réalisations, on peut citer:icon map-makerla Maison Georges Brunfaut: Av. Coghen, 85 – 1180 Uccle (Bruxelles) – icon map-makerla Maison-atelier: Rue E. Gossart,31 – 1180 Uccle (Bruxelles) –icon map-makerles villas: Av. de l’arbalète, 41 et 42 – 1170 Watermael Boitsfort (Bruxelles) –icon map-makerl’Institut Bordet: Rue Héger-Bordet, 1/7 – 1000 Bruxelles (construit en collaboration avec S. Jasinski)}, Huib Hoste (1881-1957) et Stanislas Jasinski (1901-1979).

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Les architectes d’avant-garde vont être à l’origine de la création de revues, de maisons d’édition. Ils vont multiplier les expositions, les conférences…

Une différence pas toujours aussi nette

En pratique, la différence entre Art Déco et Modernisme n’est pas toujours évidente. De nombreux architectes vont naviguer entre les deux. Entre ces 2 pôles, il existe donc une infinité de nuances.

Par ailleurs, les œuvres les plus abouties de certains architectes considérés comme modernistes vont fréquemment être des habitations individuelles destinées à des commanditaires aisés.

A la rencontre de quelques architectes…

Henry Van de Velde (1863-1957)

Henry Van de Velde, déjà cité comme protagoniste de l’Art nouveau, va être fréquemment considéré comme le “père de la modernité” en Belgique. Il va développer une carrière internationale, avec de nombreuses réalisations en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et en France. Parmi ses bâtiments les plus célèbres de cette époque, citons le Kröller-Müller Museum à Otterlo (Pays-Bas) et la “Boekentoren” (Bibliothèque centrale) de l’Université de Gand (1932-1936).

Il va également être l’auteur de maisons particulières comme “La Nouvelle Maison”, sa maison personnelle qu’il construit à Tervuren {icon map-makerAv. Albert Ier, 1 – 1560 Hoeilaart} (dans les environs de Bruxelles) en 1927, ou encore la “Maison Cohen{icon map-makerAv. F. Roosevelt, 60 – 1050 Bruxelles (Ixelles} (1927), la “Maison Wolfers{icon map-makerRue A. Renard, 60 – 1050 Bruxelles (Ixelles)} (1930-1931), la “Double maison R. et D. De Bodt” {icon map-makerAv. F. Roosevelt, 29 – 1050 Bruxelles (Ixelles)} (1931-1932) et la Maison Grégoire-Lagasse {icon map-makerDieweg, 292 – 1180 Uccle (Bruxelles)} (1933). De façon générale, la plupart de ses travaux tardifs vont voir le jour en Belgique.

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Son architecture est essentiellement réduite à un dialogue entre les pleins et les vides.

Par ailleurs, en 1927, il va fonder à Bruxelles (grâce au soutien du Ministre socialiste C. Huysmans, désireux de permettre à l’architecte de poursuivre l’expérience pédagogique entamée à Weimar), l’Institut Supérieur des Arts décoratifs, appelé aussi l’École de La Cambre, où l’on va trouver réuni tout le petit monde de l’avant-garde belge (le sculpteur Oscar Jespers, les architectes Victor Bourgeois, Huib Hoste, J.J. Eggericx, A. Pompe, L.H. De Koninck, l’urbaniste Van der Swaelmen,…) {Van Loo (A), L’architecture de l’avant-garde, in L’avant-garde en Belgique 1917-1929, éd. Crédit Communal, 1992, p.157-158}. Son but est d’installer dans la capitale belge une “citadelle” de l’enseignement artistique moderne, comme il l’avait fait en 1906 à Weimar (Allemagne) avec l’École des Arts décoratifs, reprise en 1919 par Gropius et devenue le Bauhaus {Le Bauhaus est une école de design et d’architecture, fondée en Allemagne par Walter Gropius en 1919, à la suite de la fusion entre l’école des arts et de l’artisanat et l’académie des beaux-arts de Weimar. Le mot “Bauhaus” peut se traduire en français par “maison de la construction” (Bauen: construire, das Haus: la maison). Ce mouvement artistique concerne principalement l’architecture et le design. Son but est de faire disparaître les barrières qui existent entre l’art et l’artisanat, pour faire émerger une création artistique tournée vers l’utilitaire. Gropius met en place un programme de formation articulé autour de trois axes principaux: 1-Les cours élémentaires d’art, pour assurer une formation de base aux apprentis, 2-Le travail dans les ateliers. Chaque atelier est placé sous l’autorité d’un maître et regroupe les principales disciplines artistiques: menuiserie, vitrail, poterie, tissage, métal, reliure, imprimerie, peinture murale, typographie constituent les ateliers de l’école de Bauhaus, 3-L’étude de la construction, travail commun entre les maîtres de chantier et d’atelier et les apprentis. Combattue par les nazis, l’école fut fermée en 1933. Une grande partie des membres du Bauhaus s’exilèrent alors aux Etats-Unis, et posèrent les bases de l’architecture moderne et du style international}. De façon générale, plus que tout autre, Henry Van de Velde va parvenir à combiner l’utilité avec une solide élégance dans ses meubles, son argenterie, sa porcelaine, ses bijoux, ses reliures et toutes ses autres créations.

Louis Herman De Koninck (1896-1984)

Marqué par les idées d’Henry Van de Velde, Louis Herman De Koninck {Ce qui suit est pour l’essentiel extrait de Collectif, L.H. De Koninck, éd. AAM, Bruxelles, 1980} est fréquemment considéré comme un des meilleurs représentants de l’architecture rationnelle en Belgique.

Il va inaugurer son activité dans le secteur de la recherche, de la préfabrication et de l’industrialisation du bâtiment (standardisation industrielle). Il est soucieux d’agir sur le mode de production en incorporant des processus sériels à la construction et à l’équipement. Dès l’âge de 21 ans, il va mettre sa soif de créativité au service de la production industrielle de série: “L’architecture inévitablement subit les lois nouvelles de l’évolution du monde. La machine caractérise notre époque. Avec elle, l’esprit de la série s’impose à l’homme. La standardisation est devenue nécessité dans toutes les branches de l’activité humaine. L’individualisme cède la place au collectivisme, provoquant, courant irréversible dans toutes les classes sociales, des groupements d’action ou de défense (…).” {Cité in Collectif, L.H. De Koninck, éd. AAM, Bruxelles, 1980, p.60}.

Il va notamment introduire la construction par voiles minces de béton et va travailler à un procédé de fabrication de pierre reconstituée à partir d’un mélange de ciment et de graviers naturels.

Ses constructions géométriques sont d’une grande sobriété. Pour lui, “c’est en simplifiant totalement qu’on attire l’attention sur quelque chose que l’on n’aurait pas remarqué autrement.” {Cité in Collectif, L.H. De Koninck, éd. AAM, Bruxelles, 1980, p.63}.

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Dans le sillage de Victor Horta, d’H. Van de Velde et d’A. Pompe qui outre l’architecture réalisaient également du mobilier, des accessoires, L.H. De Koninck va également exécuter, dès 1917, des meubles qu’il va, à partir de 1924, intégrer dans ses constructions (armoires, bibliothèques… encastrées).

Il va aussi imaginer des systèmes d’ensemble diversifiés constitués par un petit nombre d’éléments juxtaposables pouvant s’agencer de différentes manières: les cuisines CUBEX (1931) qui vont connaître un très grand succès à l’époque. Il s’agit d’un système souple fait d’un jeu de casiers standardisés juxtaposables et superposables en nombre illimité et dans des ordres les plus divers afin de satisfaire une multitude de besoins.

Il conçoit (tout comme un certain nombre d’artistes de son époque) le meuble avant tout comme un équipement architectural et voit dans la production de mobilier en série le moyen de travailler pour le plus grand nombre à des prix compétitifs {Van Loo (A), L’architecture de l’avant-garde, in L’avant-garde en Belgique 1917-1929, éd. Crédit Communal, 1992, p.152-153}. Notons, toutefois, que sa clientèle est essentiellement issue de la bourgeoisie intellectuelle progressiste et technocratique.

Plusieurs de ses maisons seront construites sur le territoire de la commune d’Uccle (Bruxelles). C’est le cas de sa maison personnelle {icon map-makerAv. Fond’Roy, 105 – 1180 Uccle} et de la Villa Lenglet {icon map-makerAv. Fond’Roy, 103 – 1180 Uccle} (maison-atelier du peintre Lenglet construite sur un plan carré) où De Koninck va développer un espace original et contemporain: A l’exception des chambres à coucher et des espaces utilitaires du rez-de-chaussée, la maison consiste en un seul espace continu qui n’est pas unidimensionnel mais qui se déploie dans toutes les directions, verticalement par un duplex {Le système de duplex est très prisé à l’époque, par les architectes. Il est l’occasion, souvent, de placer un grand pan de verre en façade, des galeries en surplomb et d’obtenir des perspectives d’intérieur saisissantes} (on a une vue plongeante du studio vers la salle à manger), horizontalement et en diagonale à l’étage à travers les châssis d’angle (par le châssis d’angle, l’intérieur acquiert une double orientation et il en jaillit un plus grand mouvement dans les lumières et les ombres). Les châssis métalliques remplacent les châssis en bois.

On peut également citer un groupe d’habitations au square Coghen {icon map-makerSq. Coghen, 75 à 87 et rue du Doyenné- 1180 Uccle}, la Villa du docteur Ley {icon map-makerAv. du Prince d’Orange, 200 – 1180 Uccle}, la Maison Dotremont {icon map-makerAv. de l’Echevinage, 3 – 1180 Bruxelles} ou encore l’habitation Chambon {icon map-makerAv. Pastur, 17 – 1180 Uccle}.

Dans d’autres communes bruxelloises, on trouve La Maison Vanhaverbeke {icon map-makerAv. Brassine, 17 – 1160 Auderghem} faite de béton recouvert d’un enduit rugueux (dont la coloration dépend de la matière utilisée), de même que l’habitation Franck {icon map-makerAv. de l’Uruguay, 34 – 1000 Bruxelles} (1938).

De Koninck va également participer (notamment avec F. Bodson et V. Bourgeois) à la création de la cité-jardin du plateau du Tribouillet, à Liège, érigée à titre expérimental à l’occasion de l’exposition internationale de 1930.

Marcel Leborgne (1898-1978)

Un autre nom marquant de cette époque est l’architecte Marcel Leborgne. Admirateur de l’architecte suisse Le Corbusier, il va notamment édifier des villas d’une blancheur immaculée. Ses œuvres les plus marquantes sont à Charleroi et environs {Voir inventaire sur le site: marcelleborgne.be}. Il y construit notamment la maternité Reine Astrid, toute en lignes courbes {Malheureusement détruite en 1988 (elle se trouvait à l’emplacement du stade de football de Charleroi)}, une ville miniature (La cité de l’Enfance {icon map-makerAv. Mascaux – 6001 Marcinelle}), ainsi qu’un immeuble aérodynamique pour une firme de pianos {icon map-makerImmeuble De Heug: Quai de Brabant, 5 – 6000 Charleroi}. Il est également l’auteur de la spectaculaire Villa Diricks à Rhode-Saint-Genèse {icon map-makerAv. Marie-Jeanne, 28 – 1640 Rhode-Saint-Genèse}.

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Adrien Blomme (1878-1940)

L’architecture d’Adrien Blomme est, quant à elle, aussi variée qu’abondante. Elle touche tous les domaines de la construction: villas, immeubles à appartements, cités sociales, commerces, galeries d’art, cinéma, bâtiments industriels, exploitations agricoles, pavillons d’exposition. Son œuvre reflète les aspirations de représentation de la bourgeoisie industrielle de l’entre-deux guerres. Sa clientèle sera la plupart du temps aisée. Il sera notamment l’architecte de confiance des brasseurs Wielemans.

On lui doit notamment la conception de la salle de brassage de la Brasserie Wielemans-Ceuppens {Devenue aujourd’hui le Wiels, un centre d’art contemporain. Il s’agit là d’un exemple magistral d’architecture industrielle.} à Forest ainsi que celles de l’Hôtel particulier de Léon Wielemans, demeure de style “art déco néo-andalou” avec patio intérieur, azulejos, fontaines, jets d’eau… {icon map-makerRue Defacqz, 14 – 1000 Bruxelles}, du Cinéma Métropole dans le centre de Bruxelles-ville {icon map-makerRue Neuve,30 – 1000 Bruxelles}, du Square du Val de la Cambre (à proximité de l’abbaye de la Cambre à Bruxelles), de la Villa Gosset {icon map-makerAvenue de l’Horizon – 1150 Woluwe-Saint-Pierre (Bruxelles)} ainsi que de sa maison personnelle {icon map-makerAvenue F. Roosevelt,52 – 1000 Bruxelles (actuel rectorat de l’ULB)}.

Bien qu’il ait, au cours de sa carrière, exploré différents styles (son principal souci a toujours été de répondre avec rigueur au programme imposé par ses clients), c’est à l’Art Déco qu’il apporte la contribution la plus importante.

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Le “village industriel” de Winterslag

Mais il va également être le concepteur du “village industriel” de Winterslag (mines du Limbourg), en 1912 construit à la demande du directeur de la mine qui voulait des maisons confortables et hygiéniques pour ses ouvriers, ses employés et ses ingénieurs. Blomme va y inclure des dispositifs publics tels que des écoles, l’église, l’hôpital, etc. Les espaces sont ouverts et la verdure y est très présente. Les maisons sont modernes et confortables pour l’époque. Il a divisé le quartier de Winterslag en une partie orientale et une partie occidentale. À l’est se trouvent les ingénieurs, les employés et les ouvriers formés, à l’ouest les autres ouvriers. L’architecture reflète donc la hiérarchie de la mine.

L’avènement des cités jardins {Sauf mention contraire, ce qui suit est pour l’essentiel extrait de Van Loo (A), L’architecture de l’avant-garde, in L’avant-garde en Belgique 1917-1929, éd. Crédit Communal, 1992, p.132-140}

L’origine du concept de cité-jardin

Historiquement, le principe de la cité-jardin a été avancé en 1898 par Ebenezer Howard (1850-1928), urbaniste britannique aux convictions sociales, dans son livre “Tomorrow. A peaceful path to real reform” {Il s’inspire pour cela d’expériences urbanistiques patronales anglaises réalisées par des industriels novateurs, tels que William Lever, créateur de Port Sunlight fondée en 1888 à proximité de Liverpool, ou George Cadbury, créateur de Bournville, dans la banlieue de Birmingham, dans les années 1890. La cité-jardin de Howard est définie par les principaux points suivants: une maîtrise publique du foncier (ce dernier appartient à la municipalité afin d’éviter la spéculation financière sur la terre), la présence d’une ceinture agricole autour de la ville (pour l’alimenter en denrées), une densité relativement faible du bâti (environ 30 logements à l’hectare, bien que ce point ne soit jamais mentionné, mais seulement déduit), la présence d’équipements publics situés au centre de la ville (parcs, galeries de commerces, lieux culturels), la maîtrise des actions des entrepreneurs économiques sur l’espace urbain: Howard est un partisan de la liberté d’entreprendre tant que l’activité ne nuit pas à l’intérêt collectif. La présence ou non d’une entreprise dans la ville est validée ou refusée par les habitants via la municipalité. À terme, la cité-jardin ne devait pas rester un élément solitaire, mais devait faire partie d’un réseau plus large constitué de cités-jardins identiques de 30 000 habitants sur 2400 hectares, elles-mêmes situées autour d’une cité-jardin plus grande d’environ 58 000 habitants. L’ensemble étant relié par un réseau ferré dense. Des usines situées à la périphérie de chaque cité permettraient de donner un emploi aux habitants, tout en leur évitant de longs déplacements}. Il s’agit pour lui de remédier à la croissance urbaine incontrôlée et à la désintégration du lien social.

L’intention première est de décongestionner les grandes villes par la création de grappes d’ensembles urbains à croissance limitée prenant la forme de cités vertes peu denses, susceptibles de permettre la reconstitution de communautés équilibrées. Celles-ci sont vues comme des entités économiquement autonomes où l’organisation coopérative prévaut.

Pour E. Howard, le plan de ces nouveaux ensembles (synthèses réunissant les avantages de la ville et de la campagne) doit épouser la topographie naturelle du terrain et offrir une image forte de la communauté. Les édifices publics dominent l’agglomération et la majorité des habitations individuelles forment des quadrilatères ou s’organisent autour de squares. Les voies de circulation sont déclinées de la grande allée bordée d’arbres aux chemins piétonniers qui passent entre les jardins. Ces solutions vont devenir des dispositifs caractéristiques du modèle de la cité-jardin {Aubry (F), Vandenbreeden (J), Vanlaethem (F), L’architecture en Belgique, Art Nouveau, Art Déco et Modernisme, éd. Racine, 2006, p.306}.

Il s’agit de construire un environnement beau et harmonieux. La beauté de l’environnement quotidien est vue comme une condition du développement harmonieux de l’esprit. Par ailleurs, il s’agit pour lui “d’élever le standard de santé et de confort de tous (…) les travailleurs de n’importe quel grade”. L’urbaniste Raymond Unwin (qui va concevoir le plan de la première cité-jardin anglaise sur base des idées d’Howard -voir infra-) souligne, quant à lui, combien il est important de permettre aux différentes couches de la population de vivre harmonieusement côte à côte comme dans une communauté villageoise et d’éviter le développement de faubourgs qui seraient exclusivement habités par une catégorie déterminée de population. Ce serait, à son avis, “mauvais, aussi bien d’un point de vue social, que d’un point de vue économique et esthétique. Cela résulte en malentendus, en manque de confiance entre les différentes classes de gens et en exagération des différences d’habitudes et de pensée ; cela mène aussi, à un effet d’une malheureuse monotonie (…)” {Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.84-87}.

En 1899, E. Howard fonde la Garden city Association avec un noyau de disciples enthousiastes. L’association est à l’origine de la création de deux cités-jardins à proximité de Londres: Letchworth (1903) par les urbanistes Raymond Unwin et Barry Parker, puis Welwyn Garden City (1920) par Louis de Soisson, qui sont les deux réalisations les plus directement inspirées des idées de Howard. Toutefois, ces deux villes qui vont connaître d’importants problèmes financiers ne vont pas initier, contrairement à ce que désirait Howard, la création d’autres cités-jardins en Angleterre mais demeurer des exemples isolés {Salomon Cavin (J), Les cités-jardins de EBENEZER HOWARD: une œuvre contre la ville?[icon pdf ], Université de Lausanne, mars 2007, p.7}.

Par ailleurs, si le concept de cité-jardin va se répandre un peu partout dans le monde, les nombreuses cités-jardins qui vont être construites dans l’entre-deux guerres ne vont cependant pas correspondre intégralement au modèle initial imaginé par Howard {En pratique, en effet, les cités-jardins ne vont pas être des villes autonomes (comme le proposent les théoriciens anglais) mais plutôt des quartiers résidentiels pourvus d’équipements collectifs destinés à renforcer la cohérence et la solidarité des nouveaux habitants (écoles, dispensaires, installations sportives, salles de conférence…)}.

L’arrivée du concept en Belgique

En Belgique, les idées de base sur les cités-jardins vont commencer à être diffusées à partir de 1908. Le Congrès sur les habitations à bon marché est l’occasion de découvrir la cité-jardin de Letchworth (1903) ainsi que les “villages industriels” {Villages construits à l’initiative d’industriels “éclairés” afin de loger leurs travailleurs dans un environnement de qualité. Parmi les éléments qui distinguent le concept de “cité-jardin” de celui de“village industriel”, il y a notamment le fait que le mode de financement proposé dans le cadre de la cité jardin est la libre association d’habitants actionnaires ainsi que la volonté qu’une cité-jardin soit une entité économiquement viable, indépendamment d’une seule entreprise industrielle déterminée. Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.78} de Port Sunlight (1888) et Bournville (1900). Quelques années plus tard, en 1912, le “village industriel” de Winterslag est construit par Adrien Blomme (voir supra). Par ailleurs, un ensemble de rapports concernant le concept de “cité-jardin” vont être rédigés par E. Mahaim (spécialiste de la question du logement populaire) et R. Moenaert (architecte). E. Mahaim retient comme idée fondamentale le concept de coopérative (le terrain restant propriété commune éternellement {Il s’agit d’une manière d’empêcher la spéculation foncière et d’éviter la hausse des loyers et la surpopulation du sol qui en sont les conséquences. Par ailleurs, un autre argument avancé par certains en faveur du système coopératif est le fait que le système locatif habituel ne stimule pas les occupants à s’investir dans l’entretien du bien qu’ils occupent, contrairement au système coopératif, où l’occupant détient une part de l’ensemble du quartier}), quant à R. Moenaert, il insiste sur le cadre général: “Dans une cité-jardin idéale, chaque maison est précédée d’un petit jardinet pour égayer la rue ; un potager et un jardin plus vaste s’étendent du côté de la façade postérieure. Tous ces jardins aboutissent à une pelouse commune où les enfants peuvent s’ébattre sous l’œil de la ménagère à l’écart des voies publiques.” {Cité in Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.88}.

En 1913, l’Union des Villes belges est fondée dans la foulée de l’Union internationale des villes. Grâce au Congrès organisé de manière grandiose, à Gand, la même année, la Belgique acquiert une renommée internationale au plan urbanistique et le secrétariat permanent de l’Union internationale des villes {Pivot du mouvement urbanistique international et centre international de documentation sur le problème de l’aménagement urbain} s’établit à Bruxelles.

Le rôle joué par la Première guerre mondiale

Les dévastations subies par la Belgique au cours de la Première guerre mondiale (destruction des villes de Dinant, Louvain, Ypres…) vont provoquer un sentiment d’indignation dans les pays voisins et faire naître, dans les milieux artistiques internationaux, un mouvement en faveur de la restauration des villes belges détruites {Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.90}.

Dès 1915, l’Union des Villes belges est conviée à une conférence intitulée “Pour la reconstruction de la Belgique” {La nécessité d’un plan national va y être défendue et l’on va recommander une législation garantissant que les exigences esthétiques et hygiéniques soient satisfaites. Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.90} organisée à Londres par l’Union internationale des Villes et l’International Garden Cities and Town Planning association {Cette rencontre a été préparée par le grand spécialiste des cités-jardins, l’urbaniste anglais Raymond Unwin (voir supra) et a été présidée par le ministre belge des travaux publics G. Helleputte}. A la suite de cette conférence, une Commission officielle va être crée et des groupes d’études urbanistiques vont voir le jour dans un certain nombre de pays afin de fournir à la Commission une information théorique concernant la question du tracé des villes. Parmi ceux-ci, on peut citer le Belgium Town Commitee à Londres (il va organiser dans les universités des cours d’art urbain à l’usage des architectes belges) et le Comité néerlando-belge d’art civique à Amsterdam. C’est ainsi que durant toute la guerre, des architectes belges exilés, en particulier aux Pays-Bas {Pays où l’on trouve des “tuindorp” (“village jardin“) et qui est marqué par 2 grands courants (“l’École d’Amsterdam” et le mouvement “De Stijl“) qui vont faire de lui (resté neutre pendant la Première Guerre mondiale) un acteur essentiel du développement de l’architecture moderne durant la Première guerre mondiale. Ces deux mouvements se distinguent clairement au niveau formel: alors que les bâtiments de l’École d’Amsterdam (1915-1930) sont généralement en briques faites à la main et présentent une grande diversité de sculptures, coloris et matériaux (briques, tuiles, bois…), ceux de De Stijl sont formés de simples blocs rectangulaires en brique ou béton, sans décoration (si ce n’est quelques rares touches de couleur). Toutefois, ces deux groupes poursuivent le même but: améliorer la société au contact de l’art dont le rayonnement est destiné à affecté tous ceux qui s’en approchent. Dès lors, selon leur logique, ce n’est pas seulement un tableau ou un bâtiment qui doit être transformé en œuvre d’art mais bien tout l’environnement (maisons, rues, villes). La construction de logements ouvriers va être une des principales activités des architectes de l’École d’Amsterdam (dont les orientations vont être aux antipodes du fonctionnalisme). In de Wit (W), L’École d’Amsterdam, éd. p.Mardaga, 1987, p.9, 29, 32, 145} (H. Hoste, L. Van der Swaelmen…) et en Angleterre (J.J. Eggerickx, G. Hobbé, Flor Van Reeth…), vont travailler (assistés d’experts locaux) à préparer la reconstruction et vont recueillir une vaste documentation qui va servir de base théorique à leurs futurs travaux.

Au lendemain de la guerre, afin de combler un déficit estimé à 20.000 habitations, une politique interventionniste va être mise en place et soutenue par la mise sur pied, le 19/10/1919, de la “Société Nationale des Habitations et Logements à Bon Marché”.

La “cité jardin” comme solution au problème de l’habitation ouvrière

En avril 1920, à l’occasion de la Conférence nationale de l’habitation à bon marché organisée par l’Union des Villes, l’idéologie de la cité-jardin prédomine. Elle va jouer un rôle déterminant dans la politique de construction de logements populaires qui va être mise en place par la Société nationale durant les années 1920 {Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.106}. Pour le Ministre socialiste Joseph Wauters, l’idéal est “de donner à chacun un logement (…) dans un milieu particulièrement attrayant, entouré d’arbres, de lumière, de verdure. (…). Il ne s’agit pas de parquer dans un endroit donné, une classe donnée. Il faut que toutes les classes soient mêlées dans ces organisations de l’avenir.” {Cité in Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.110}. Dans l’esprit des socialistes belges de l’époque, cette forme d’occupation de l’espace assure aux ouvriers un logement sain à bon marché qui s’intègre dans un projet urbanistique conciliant le confort et la beauté {Le leader socialiste Emile Vandervelde va se rallier au concept de cité-jardin dans la conclusion de son ouvrage “L’exode rural et le retour aux champs“. Aron (P), Les écrivains belges et le socialisme, éd. Labor, 1985, p.210}.

La “cité jardin” est donc vue comme la meilleure solution au problème de l’habitation ouvrière. Elle permet d’extraire la population laborieuse de son entassement dans les quartiers industriels et insalubres de la ville. Elle lui offre de l’espace et garantit une hygiène de vie par son cadre naturel. Elle permet à chaque famille de se sentir chez elle dans une maison unifamiliale. Par ailleurs, l’homogénéité globale {Pour éviter une éventuelle monotonie, on va cependant chercher à donner à chaque rue un caractère différent} des constructions estompe le particularisme et renforce l’idée de solidarité sociale {Collectif, Modernisme et Art Déco, Intérieurs bruxellois, éd. Alice, Bruxelles, 2004, p.11-12}.

Les cités jardins sont vues comme un moyen de transformer la structure sociale existante et d’en arriver, grâce à un environnement attrayant, non hiérarchisé et basé sur la communauté, à créer un sentiment d’appartenance et une compréhension réciproque aptes à permettre le développement d’une nouvelle société (socialiste). Les protagonistes sont convaincus que “par le développement des services collectifs, naîtra et croîtra chez les individus le respect des intérêts du groupe, de la propriété commune, l’orgueil d’appartenir à une collectivité bien outillée et de vivre dans un cadre de beauté et de santé.”. Il leur semble impossible que “dans une ville saine, où le sens des intérêts collectifs apparaît à chaque détail, (…) des paresseux, des criminels, des égoïstes même puissent rester longtemps ; ils la quitteront où ils se transformeront.” {Cité in Smets (M), L’avènement de la cité jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.110-111}.

Les cités jardins sont donc vues comme ayant une vocation morale (proposer un programme pénétré des idées de rapprochement, d’entraide, d’éducation mutuelle).

Ainsi, pour toute la jeune génération des architectes modernistes, la “cité-jardin” constitue, dans les années 1920, à la fois une réponse au problème de la reconstruction de la Belgique après la première guerre mondiale et le symbole d’une nouvelle vie communautaire indissolublement liée à l’affirmation d’un nouveau langage architectural. Les dévastations subies par la Belgique leur semblent une occasion unique de repartir à zéro et de régler les grands problèmes de la ville industrielle et de ses banlieues. Il s’agit de planifier le développement des faubourgs et de donner à chacun un logement décent. Les cités jardins offrent un moyen de réaliser l’image nouvelle de la ville.

La “Société Nationale des Habitations et Logements à Bon Marché” est chargée de coordonner les différentes initiatives des coopératives locales en leur consentant notamment des prêts à taux réduits et de longue durée {Le nombre de sociétés coopératives (13) restera, en pratique, très limité par rapport aux sous-divisions locales ou régionales de la Société nationale (229). La plupart des coopératives vont se former autour d’un noyau constitué par une association professionnelle ou d’intérêts communs: anciens combattants socialistes, groupes d’employés, ouvriers typographes… Dans le cas des coopératives de locataires, l’État et la province souscrivaient 2/5 du capital et les membres de la coopérative devaient prendre le reste à leur charge. Toutefois, seul 1/10è du montant qu’ils souscrivaient théoriquement devait être versé. La plus grande part des coûts réels de construction était donc assumée par l’État. Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.140}.

Le succès des cités-jardins

En quelques années, la capitale belge va se doter d’un véritable chapelet de cités-jardins. Cette aventure va mobiliser la plupart des architectes modernistes.

Le concept anglais de “cité-jardin” va influencer à deux égards ce qui va être développé en Belgique: la base coopérative qui le fonde ainsi que la forme urbanistique générale.

En 1921, la Société nationale ouvre un chantier expérimental au Quartier de la Roue à Anderlecht (Bruxelles) où l’architecte Jean-Jules Eggericx (1884-1963), qui a passé les années de guerre en Angleterre et a analysé les cités-jardins, dirige la construction d’une 60aine d’habitations ouvrières destinées à tester matériaux et procédés de construction. Les innovations techniques et la recherche de matériaux de substitution aux briques devenues rares sont le prétexte à des expériences formelles.

Les cités-jardins vont être à la fois le laboratoire et le tremplin du Mouvement Moderne en Belgique. Elles vont être un remarquable champ d’expérimentation dans le domaine technique en vue d’abaisser le coût de la construction et dans le domaine de la recherche afin de rationaliser l’espace intérieur et l’équipement du logis {Collectif, Bruxelles et environs 1890-1990, guide d’architecture moderne, éd . Hatier, 1990, p.43}.

Des concours urbanistiques vont être institués pour les projets les plus importants de la période 1920-23. Dans ce cadre, la Société Nationale va énoncer une série de directives {S’inspirant largement des cités-jardins anglaises}. Le nombre et l’importance des équipements vont être fonction de l’extension du quartier. Dans les quartiers de taille moyenne, il est prévu un jardin d’enfants, une plaine de jeux, une installation de bains, une école primaire, une plaine de sports pour adultes, des jardins publics, des locaux de réunion, des équipements de loisirs, des magasins, des remises… En cas de quartiers plus importants, on va par ailleurs ajouter à cette liste un dispensaire, une maison de retraite et une chapelle. La densité maximale de construction est fixée à 30 habitations par hectare et il est prévu que le tracé des rues suive le relief du terrain (pour des raisons économiques mais surtout esthétiques). Par ailleurs, le nombre de maisons adjacentes est limité. Les maisons sont pourvues d’un jardinet de façade et d’un jardin à l’arrière dans le prolongement duquel on aménage un sentier (venelle) permettant de circuler au sein de l’îlot d’habitations. Ces sentiers peuvent s’élargir parfois jusqu’à constituer, au centre de certains îlots, des espaces libres (accessibles par les jardins) susceptibles de servir de vergers, d’aires de repos ou de jeux. Pour la première fois en Belgique, la construction de logements à bon marché n’est plus vue comme devant avoir un rendement maximum pour un prix de revient minimum mais constitue, au contraire, la pierre d’angle d’un nouvel environnement idéal destiné à la communauté toute entière {Smets (M), L’avènement de la cité-jardin en Belgique, éd. Mardaga, 1977, p.116}.

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Parmi les architectes qui vont être particulièrement impliqués dans la construction de ces cités-jardins, on peut citer Huib Hoste, Victor Bourgeois, Antoine Pompe, Fernand Bodson, Jean-Jules Eggericx, sans oublier l’urbaniste Louis Van der Swaelmen.

  • 1919 Cité Batavia à Roulers: architectes Fernand Bodson, Antoine Pompe, Doom et Vermeersch
  • 1921 Cité de Hautrage-Nord, dans la province de Hainaut, construite par l’architecte Antoine Pompe
  • 1921 Cité de la Roue à Anderlecht (Bruxelles): urbaniste Louis Van der Swaelmen, architectes Antoine Pompe, Jean-Jules Eggericx, A. de Koninck, Fernand Bodson
  • 1921-1928 Cité Kleine Rusland à Zelzate: urbaniste Louis Van der Swaelmen, architectes Huib Hoste, Charles Hoge et Gerald Hoge (1922-1930) Cité Floréal-Le Logis à Watermael-Boitsfort (Bruxelles): architecte Jean-Jules Eggericx, urbaniste Louis Van der Swaelmen.
  • 1922 Cité Tuinbouw à Evere: urbaniste Louis Van der Swaelmen, architecte Jean-Jules Eggericx
  • 1922 Cité Diongre à Molenbeek (Bruxelles): architecte Joseph Diongre
  • 1922-1926 Cité du Kapelleveld à Woluwe-Saint-Lambert (Bruxelles): urbaniste Louis Van der Swaelmen, architectes Antoine Pompe, Huib Hoste, Jean-François Hoeben et Paul Rubbers
  • 1923-1925 Cité Moderne à Berchem-Sainte-Agathe (Bruxelles): urbaniste Louis Van der Swaelmen, architecte Victor Bourgeois
  • 1928-1930 Cité du Homborch à Uccle (Bruxelles): architecte Fernand Bodson

Huib Hoste (1881-1957)

Huib Hoste, qui a passé la guerre aux Pays-Bas, va être fort marqué par le mouvement néerlandais De Stijl {Revue d’art plastique et d’architecture, publiée de 1917 à 1928, sous l’impulsion de Piet Mondrian et de Theo van Doesburg. Par extension, De Stijl désigne tout un mouvement artistique ayant profondément influencé l’architecture du 20e siècle (en particulier le Bauhaus, l’Avant-garde, le style international)}. Il est l’architecte de la cité jardin “Klein Rusland” à Zelzate (1921-1923), première réalisation concrète du nouveau langage architectural moderniste qui est occupé à se développer. Parlant de son travail, il dira notamment: “Nous ne voulons pas seulement modeler nos surfaces en masses, mais nous recherchons autant que possible à exprimer nos différents espaces en masses autonomes de manière qu’elles se découpent clairement et plastiquement (…)” {Cité in Collectif, L.H. De Koninck, éd. AAM, Bruxelles, 1980, p.59}. Il va également collaborer à la construction de la cité-jardin Kappelleveld à Woluwe St-Lambert (Bruxelles).

Victor Bourgeois (1897-1962)

Victor Bourgeois va créer avec son frère et quelques amis, en mars 1922, la Société coopérative de locataires “La Cité Moderne” à Berchem Ste-Agathe (Bruxelles). Ce quartier “modèle” est destiné à répondre aux aspirations d’entraide et de solidarité de la ville socialiste idéale. L’ensemble s’organise autour d’une place centrale (la place des coopérateurs). Il s’agit du premier exemple à grande échelle de l’architecture “cubique”, rationnelle et standardisée. Bourgeois y utilise un procédé de construction en béton maigre mélangé de scories industrielles, coulé dans des coffrages de la hauteur d’un étage qui sont démontables et réutilisables. Ce procédé de fabrication a le double avantage d’être rapide et de ne pas exiger de main d’œuvre spécialisée. En adaptant la dimension de ses constructions à ce système de manière à utiliser le moins de coffrages possible, l’architecte parviendra à abaisser de 14% le prix de la construction. Pour lui, “(…) la mission de l’architecture (est d’) introduire, dans toute l’activité sociale, la paix plastique. En d’autres termes, trouver, au problème de l’habitation et de la circulation, la solution la plus utilitaire, la plus harmonieuse. (…) La série s’apprête à conquérir l’architecture (…). L’architecture moderne est née.” {Cité in Collectif, L.H. De Koninck, éd. AAM, Bruxelles, 1980, p.61}.

Antoine Pompe (1873-1980), Fernand Bodson (1877-1966) et Jean-Jules Eggericx (1884-1963)

Mais les cités-jardins ne vont pas être liées à une image architecturale unique. En effet, leur architecture va être diversifiée. Certains architectes, soucieux de rompre définitivement avec le problème des styles, vont se tourner vers la tradition rurale anglaise ou allemande. Ce sera notamment le cas d’Antoine Pompe et de Fernand Bodson {Auteurs notamment de la Cité Batavia à Roulers (1919) et de la Cité de La Roue (1921) à Anderlecht (avec l’urbaniste Louis Van der Swaelmen et les architectes Jean-Jules Eggericx et A. de Koninck)}. A leurs yeux, le “home anglais” offre un modèle de confort domestique et de principes sobres et utilitaires susceptibles de trouver un champ d’application dans l’habitat social. Cette tendance sera considérée comme l’aile “romantique” du modernisme belge.

Ainsi, à côté du purisme des constructions de V. Bourgeois ou de Huib Hoste, on trouve des constructions plus intimistes, influencées par l’architecture domestique des Pays-Bas et de l’Angleterre. C’est le cas aussi de certaines des constructions de Jean-Jules Eggericx, dont les maisons des cités-jardins “Le Logis” et “Le Floréal” (1921-1930), construites à Watermael Boitsfort (Bruxelles).

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Enfin, certaines réalisations, comme la cité-jardin “Kapelleveld” à Woluwe St-Lambert (Bruxelles), vont être le théâtre d’une confrontation entre ces manifestations multiples.

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Flor Van Reeth (1884-1975)

D’autres architectes vont, quant à eux, être directement inspirées par le modèle du béguinage flamand, comme le montre l’exemple de la cité-jardin “Zuid Australië” à Lierre (1922-23), œuvre de Flor Van Reeth qui sera malheureusement détruite lors de la Deuxième guerre mondiale.

Louis Van der Swaelmen (1883-1929)

La figure de proue en matière de cités-jardins en Belgique va être incontestablement l’urbaniste architecte paysagiste Louis Van der Swaelmen qui supervisera la réalisation des cinq plus importantes (La Roue, Le Logis, Le Floréal, le Kapelleveld et la Cité Moderne).

La fin de cette expérience extraordinaire

Bien que les cités-jardins rencontrent un vif succès auprès des utilisateurs, plusieurs facteurs vont concourir à l‘abandon de cette expérience à partir de la seconde moitié des années 1920 {Collectif, Modernisme et Art Déco, Intérieurs bruxellois, éd. Alice, Bruxelles, 2004, p.13}:

  • La fin des paiements des dommages de guerre par les Allemands qui supprime un apport financier non négligeable dans les projets, et qui engendre des difficultés financières aux projets déjà entamés: les chantiers vont se clôturer avec des difficultés croissantes qui vont nécessiter souvent la suppression des équipements collectifs
  • La peur des catholiques et des libéraux de voir se développer des “banlieues rouges” (socialistes): plutôt que des coopératives de locataires, le gouvernement (catholique/libéral) de l’époque va décider de favoriser la propriété individuelle et l’initiative privée par un système de primes à la construction et à l’achat

Par ailleurs, les architectes modernistes qui y avaient tant œuvré vont se détourner eux-mêmes du concept de cité-jardin pour lui préférer celui de l’immeuble à appartements: En 1930, le 3e Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM) qui se tient à Bruxelles préconise les constructions en hauteur (logique de concentration des habitants) dans la verdure et rejette le modèle des cités-jardins, vu comme aboutissant à une dispersion extrême de l’agglomération et à un prix de revient relativement élevé de l’infrastructure étant donné les densités limitées de population.

Mais il est clair que l’aménagement de qualité et l’architecture soignée que les cités-jardins ont atteint ne vont pour ainsi dire plus être égalées jusqu’à ce jour dans le secteur des logements bon-marchés en Belgique.

L’essor des immeubles à appartements {Modernisme et Art Déco, Journées du Patrimoine, 18-19/09/2004, Région de Bruxelles-Capitale, p.8-9}

Contexte

Jusqu’au lendemain de la Première guerre mondiale, l’idée d’habiter un immeuble à appartements demeure incongrue. La première expérience qui avait tenté de mettre à l’honneur cette manière d’habiter datait de l’aménagement, à la fin du 19e siècle, des boulevards du centre de Bruxelles et s’était soldée par un échec retentissant. La bourgeoisie est très attachée à la maison unifamiliale.

Toutefois, cette situation va changer au début des années 1920. La crise du logement et l’augmentation du prix de la construction {Multiplié par 3 ou 4 entre 1914 et le début des années 1920}, le coût de plus en plus important du personnel de maison {L’organisation de l’habitat sur un seul niveau permet de simplifier le service domestique} et la nouvelle loi sur la co-propriété adoptée en 1924 vont contribuer à donner aux immeubles à appartements un véritable essor.

Inlassablement, articles de revues, brochures publicitaires vont vanter les avantages de l’appartement.

Des immeubles bourgeois

On voit ainsi, la construction à Bruxelles (à proximité du Rond-Point Schuman), du Résidence Palace (1923-27) conçu par l’architecte suisse Michel Polak, sur base d’une idée du financier wallon Lucien Kaisin. Il s’agit d’un ensemble de 180 appartements (comportant de 8 à 22 pièces) proposant de nombreuses facilités à une clientèle de luxe: restaurant ou repas à domicile, salle de théâtre, piscine de style pompéien, salle de gymnastique, bureau de poste, salles de réunion, court de tennis et jardins sur le toit des garages, magasins de luxe et alimentaires, sans compter un personnel de maison mis à disposition {Entre 1926 et 1941, le Résidence Palace sera habité par la grande bourgeoisie cosmopolite (hauts gradés, aristocrates, diplomates… Malheureusement, après cette courte période, le bâtiment va être fort endommagé au fil des ans. Réquisitionné par les Allemands en 1941 puis par les Anglais en 1944, il sera racheté par l’État belge en 1947 et transformé en cité administrative. Il mène depuis une existence d’immeubles de bureaux}

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A partir de 1925, la Société Belge Immobilière (SBI), créée en 1922 afin de trouver une solution à la crise du logement pour la classe moyenne, va lancer une vingtaine de chantiers dans l’agglomération bruxelloise, totalisant plusieurs centaines de logements. Le style Art Déco va s’imposer rapidement comme style de construction {Collectif, Modernisme et Art Déco, Intérieurs bruxellois, éd. Alice, Bruxelles, 2004, p.14}.

C’est ainsi que l’on va trouver, dans les quartiers aisés de la Capitale, d’autres exemples d’immeubles à appartements: autour des Étangs d’Ixelles, au rond-point de l’Étoile, aux abords de l’Université (ULB)…

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Dans les immeubles Art Déco, la porte d’entrée, le hall, les couloirs desservant les appartements font l’objet d’un soin tout particulier dans la qualité des matériaux: revêtements de marbre, bois poli, vitraux et ferronneries élaborés. L’éclairage diffusé par des appliques ou d’autres sources de lumière indirecte et des jeux de miroirs accentue encore le raffinement de certaines entrées.

Souvent le plan de l’appartement transpose directement la structure de la maison. Il se divise en 3 zones autonomes (correspondant aux anciens étages de la maison):

  • les pièces de réception,
  • les pièces “intimes” (chambres, salle de bain…),
  • les pièces réservées au personnel de maison

Entre ces pièces, les liaisons sont soigneusement réglées par un jeu de sas et de couloirs. L’ascenseur, le concierge, le parlophone, le garage, la cuisine équipée, le téléphone, le vide-ordures, le chauffage central, les placards… sont vus désormais comme indispensables à l’existence moderne {Collectif, L’architecture Art Déco, AAM, Bruxelles, 1996, p.82}.

Des immeubles à appartements bon marchés

Du côté du logement populaire, même si la Société Nationale des habitations à bon marché va a priori écarter le “bloc” d’appartements (vu comme une “maison-caserne”) en tant que solution du problème du logement populaire (en faveur de la maison unifamiliale avec jardin), on va voir cependant se poursuivre la construction d’immeubles à appartements bon marchés, comme avant-guerre. Cela va être surtout le cas, au départ, dans les communes fortement urbanisées (où l’on manque de terrain à un prix abordable).

L’architecte Joseph Diongre réalisera par exemple, en 1925, une série d’immeubles de logements sociaux pour le compte du Foyer St-Gillois {icon map-makerRue de Bosnie,27/143 et icon map-makerRue du Fort,117/121 – 1060 St-Gilles (Bruxelles)} et en 1926, La Cour Saint-Lazarre, un ensemble de 180 logements sociaux commandité par la Société Anonyme des Habitations ouvrière de Molenbeek-Saint-Jean.

Par ailleurs, pour associer une plus grande densité, aux caractéristiques essentielles de la cité-jardin telles la lumière, l’air et le contact avec la nature, la formule d’immeubles à appartement dans la verdure va être progressivement adoptées dans les cités-jardins modernistes. En outre, les immeubles à appartements sont vus comme permettant de créer une variété au niveau du paysage urbain (verticalité de l’immeuble versus horizontalité des maisons individuelles) et un point de ralliement symbolique auquel la population du quartier peut s’identifier.

C’est par exemple le cas avec l’immeuble dit le “Fer à Cheval”, construit par J.J. Eggericx (1927-30), et qui domine la cité-jardin “Floréal” à Watermael Boitsfort (Bruxelles). Outre les logements, on y trouve au rez-de-chaussée des magasins et locaux divers.

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A partir de 1930 (à la faveur du 3e Congrès International d’Architecture Moderne (CIAM) qui se tient en novembre 1930 à Bruxelles et qui a pour thème le lotissement rationnel), les architectes modernistes vont d’ailleurs finir par abandonner le concept de cité-jardin au profit de l’immeuble en hauteur. C’est dorénavant lui qui est vu comme solution optimale au problème de l’habitat social.

La naissance de l’idée d’ “immeubles barres” et d’ “immeubles tours”

Au tournant des années 1930, les projets de villes théoriques vont commencer à se succéder et proposer la construction d'”immeubles barres“. La ville n’est plus un lieu d’histoire ou de culture mais bien une planification rationnelle dominée par la séparation des fonctions (habiter, travailler, circuler, se divertir). Chaque fonction se passe dans une zone spécifiquement pensée à cet usage et la circulation est vue comme la fonction primordiale de la vie urbaine. La ville devient un champ d’expériences. L’architecte Stanislas Jasinski (1901-1979) propose, en 1929 , de raser une partie du quartier de la Bourse à Bruxelles afin d’y implanter 3 tours géantes ayant un plan cruciforme et destinées à abriter un centre administratif réunissant les services publics de l’État. En 1930, Victor Bourgeois propose un projet visant à détruire le quartier nord (Bruxelles) pour le remplacer par un quartier rationnel constitué de 80 barres de logements rigoureusement alignées. Il développe aussi l’idée de “rue aérienne”.

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Notons, cependant, que les avis ne sont pas unanimes à l’égard de la construction des “immeubles tours”, loin de là. Cette question va être au centre de polémiques. A côté de ceux que les gratte-ciel new-yorkais fascinent, d’autres dénoncent de façon virulente un urbanisme basé sur des “rues-corridors”. Une série de défenseurs de l’histoire et du patrimoine vont se mobiliser. La Commission des Monuments et Sites va s’insurger en 1933 contre un projet de tour de 35 étages surplombant le Jardin Botanique de Bruxelles. L’architecte Victor Horta déclare, quant à lui (1929): “le problème du sky-scraper se pose d’une manière dangereuse et pleine de surprises pour nos villes et pour nos monuments” {Collectif, L’architecture Art Déco, AAM, Bruxelles, 1996, p.90}.

En 1935, la Société Études et Réalisations immobilières (ETRIMO) est fondée par l’architecte-promoteur Jean-Florain Colin (1904-1985). Elle va édifier aux abords des Étangs d’Ixelles (Bruxelles) des immeubles à appartements marqués par l’esthétique de l’architecture navale (architecture paquebot) et un nombre restreint de motifs décoratifs. Cette entreprise va s’imposer rapidement par sa maîtrise des techniques de chantier et son attention à toutes les facettes du confort domestique moderne.

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Les édifices publics et religieux

Des édifices publics mais aussi des églises vont être construits dans les styles Art Déco et Modernistes, au cours des années 1930.

L’Église catholique étant désireuse de s’adapter à la vie moderne, elle va promouvoir la construction d’églises rompant avec les modèles du passé. Il s’agit, par ce renouvellement formel, de traduire au niveau de l’architecture la modernité du culte et de la liturgie.

Joseph Diongre (1878-1963)

Joseph Diongre est souvent vu comme le spécialiste des commandes publiques {Il sera notamment l’architecte attitré de la commune de Molenbeek (Bruxelles) où il construira (1922) une cité d’habitations à bon marché portant son nom (La Cité Diongre) ainsi que La Cour Saint-Lazarre (voir supra)}. Contrairement à la “ligne dure” prônée par les architectes modernistes, il va opter pour un modernisme tempéré, style à mi-chemin entre le modernisme et l’Art Déco.

Son œuvre se caractérise notamment par sa capacité à faire découler les arts décoratifs de son architecture. La beauté et la pureté de la forme prédominent par rapport à la fonction et la technique.

Son œuvre majeure est le siège de l’Institut National de Radiodiffusion (INR), Place Flagey à Ixelles (Bruxelles), bâtiment caractéristique de “l’architecture paquebot” {Ce style architectural accentue les formes courbes et incurvées, les longues lignes horizontales, et parfois les éléments empruntés à l’univers nautique (comme les balustrades et les hublots). Son apogée fut atteint vers 1937}. On y trouve notamment des lambris en bois précieux (1933-1939). Il est également l’auteur de la maison communale (1937) de Woluwe-Saint-Lambert {icon map-makerPlace du Tomberg – 1200 Woluwe-Saint-Lambert}, ainsi que de l’Église St-Jean-Baptiste (1930) à Molenbeek (Bruxelles), une des trois églises en béton à Bruxelles {Avec l’église Ste-Suzanne à Schaerbeek et l’église St-Augustin icon map-makerPlace de l’Altitude 100 – Forest}.

nota bene NB; Joseph Diongre sera également l’auteur de maisons particulières parmi lesquelles, la plus célèbre est sans doute la “Maison blanche” ou “Withuis” {icon map-makerAv. Charles Woeste,183 – 1090 Jette (Bruxelles)}, commandée par le poète, écrivain et secrétaire communal de Molenbeek, Jef Mennekens, à Jette (Bruxelles).

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Jean-Baptiste Dewin (1873-1948)

Parmi les autres constructions publiques de cette époque à Bruxelles, on peut également citer la Maison communale de Forest {icon map-makerrue du Curé, 2 – 1190 Forest} (Bruxelles), bâtiment massif en briques jaunes, pierre bleue et béton, décoré de bois exotiques et de marbres polis. Il s’agit d’une œuvre de l’architecte Jean-Baptiste Dewin, à qui l’on doit également notamment la construction d’une longue série d’institutions à caractère médical {Dès le début du 20e siècle, sa rencontre avec le chirurgien Antoine Depage va lui permettre de prendre connaissance des idées les plus pointues en matière d’hygiène et de techniques médicales}: maternités, instituts médicaux, écoles médicales, instituts dentaires, homes, etc {Exemples: Institut Médico-Chirurgical de la Croix-Rouge, à l’angle de la place G. Brugmann et de la rue J.Stallaert, l’Hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, rue Haute n° 322, la Maternité de l’Hôpital d’Ixelles, rue Léon Cuissez, 30}.

nota bene NB; La maison communale associe la notion de pouvoir à celle de service. A ce titre, elle se doit d’impressionner. Le choix d’un terrain en situation élevée n’est jamais banal (ex: la Maison communale de Woluwe-Saint-Lambert). Par ailleurs, l’architecture doit être parlante, ce qui explique la présence de la tour (cas notamment des Maisons communales de Woluwe-Saint-Lambert et Forest). Celle-ci évoque l’ancien beffroi, emblématique des libertés et privilèges souvent chèrement acquis  et qui s’oppose aux clochers des églises (et donc affirmation de l’indépendance du pouvoir communal par rapport à celui du clergé) {Collectif (Région de Bruxelles-Capitale), Modernisme et Art Déco, éd. Mardaga, 2004, p.83-84}.

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L’architecture de l’après seconde guerre mondiale: Le “fonctionnalisme” ou “style international” {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: Modernisme et Art Déco, Journées du Patrimoine, 18-19/09/2004, Région de Bruxelles-Capitale, p.60}

Si les projets urbanistiques développés (dans le sillage de le Corbusier et des Congrès internationaux d’Architecture moderne) par les architectes fonctionnalistes belges à partir des années 1930 ne vont pas se concrétiser à l’époque (faute de moyens et de soutiens politiques), ils vont cependant influencer grandement l’urbanisme qui va se développer dans l’après-guerre et vont être à l’origine de bien des désastres urbains.

Bruxelles est un cas emblématique de cette dynamique. En effet, les mutations urbanistiques que la capitale belge va connaître au cours des décennies qui vont suivre la fin de la Seconde guerre mondiale incarnent parfaitement l’idéologie fonctionnaliste promue à partir des années 1930: opérations urbaines de grande envergure, logique de mono-fonctionnalité {Chaque fonction (habiter, travailler, circuler, se divertir) se passe dans une zone spécifiquement pensée à cet usage}, importance accordée à la circulation automobile, constructions en hauteur (tours), barres de logements, absence de considération pour l’histoire et le patrimoine architectural environnant…

Construction de barres de logements

En matière de logements, au lendemain de la seconde guerre mondiale, la Belgique est à nouveau confrontée à une pénurie. L’enjeu va être de parvenir à bâtir du logement de qualité pour un prix modique. Dans ce cadre, la Société nationale du logement va opter pour la construction de grands ensembles inspirés par la théorie fonctionnaliste et va dès lors proposer du logement concentré et érigé en hauteur afin d’économiser le sol et les matériaux.

La “Cité modèle” construite à Laeken (Bruxelles) est une illustration assez exceptionnelle de cette idéologie. Elle va être fondée à l’initiative de l’architecte et éminent responsable socialiste Fernand Brunfaut, désireux d’illustrer la politique belge du logement social à l’occasion de l’Exposition universelle de 1958 à Bruxelles. Elle s’inspire des principes développés par l’architecte suisse Le Corbusier. Les plans vont être établis par différents architectes sous la direction de l’architecte René Braem, militant communiste. L’objectif poursuivi à cette occasion est de construire un ensemble complet comprenant des barres de logements et diverses fonctions telles que des commerces et des infrastructures culturelles. Si l’essentiel du projet va être construit, il ne va toutefois jamais être totalement achevé.

 

La société ETRIMO va, quant à elle, continuer à se développer après 1945 et devenir le symbole de l’immeuble à appartements pour la classe moyenne. Toutefois, ses réalisations d’après guerre seront nettement moins convaincantes que celles des années 1930.

Opérations urbaines de grande envergure et destruction du patrimoine architectural

Deux événements vont être à l’origine de la transformation du centre de Bruxelles: l’achèvement des travaux de la jonction souterraine entre la gare du Nord et la gare du Midi (1952) et l’organisation de la première exposition universelle de l’après-guerre (1958).

La jonction nord-midi

Les destructions générées par la réalisation de la jonction nord-midi vont poser l’épineux problème de la reconstruction. En pratique, celle-ci se fera au coup par coup (sans aucune planification urbanistique d’ensemble) et débouchera sur l’aménagement d’un très long boulevard {Portant un nom différent selon le tronçon concerné: Boulevard de l’Empereur prolongé par celui de l’Impératrice puis celui du Berlaimont, lui-même suivi du Bd Pachéco} (qui suit globalement le tracé des voies ferrées) bordé par une série de bureaux.

Cette réalisation sera à l’origine de l’émergence de nouvelles typologies urbaines à Bruxelles qui illustrent le changement d’échelle qui s’opère dans les interventions architecturales dans le centre-ville.

Parmi les constructions particulièrement marquantes de ce tracé, on pointera la nouvelle aile de la Banque nationale (1948) ainsi que la “Cité administrative de l’État” {Entourée de la Rue Royale et des boulevards du Jardin botanique et Pachéco (Bruxelles)}, complexe gigantesque destiné à regrouper les administrations nationales. Construite dans la foulée de l’Exposition universelle de 1958, elle témoigne de la nouvelle vision du paysage urbain de l’époque: jardin en hauteur, système de passerelles permettant de marquer la séparation entre le niveau réservé à la circulation piétonne et celui dédié à la circulation automobile. On peut également citer le “Mont des Arts” où sont édifiés (1951-1969) le Palais des Congrès et la Bibliothèque Royale. Les extrémités nord et sud de la jonction sont, quant à elles, ponctuées d’immeubles tours: l’immeuble de la Prévoyance sociale (1957) {À hauteur de l’ancien jardin botanique}, côté nord et la Tour du Midi (1963-1967) {A côté de la gare du même nom}, côté sud {Collectif (Région de Bruxelles-Capitale), Modernisme et Art Déco, éd. Mardaga, 2004, p.42-43}.

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Le projet Manhattan

Au cours des années 1960, un autre projet de grande ampleur va naître: le projet Manhattan dans le quartier situé à proximité de la gare du Nord. Il s’agit d’une gigantesque opération immobilière visant à totalement raser un ancien quartier urbain pour bâtir un quartier de tours de bureaux {Notons que peu après la destruction effective du quartier, le chantier fut arrêté du fait du début de la crise économique, laissant ainsi un trou béant dans la ville pendant des années. Ce n’est que récemment que le quartier s’est effectivement rempli de tours de bureaux} (on cite généralement le nombre de 15 000 habitants expulsés à cette fin).

Le quartier européen

Enfin, il ne faut pas non plus oublier le rôle joué par l’installation, à Bruxelles, des institutions européennes à partir de 1958. Les bâtiments gigantesques destinés à abriter les institutions (Commission, Conseil, Parlement, Comité Économique et Social…) qui vont être construits au fil des ans (jusqu’à l’époque actuelle) vont renforcer encore la déstructuration de la ville, les phénomènes d’expulsion des habitants des zones concernées (le quartier européen) et la forte concentration de bureaux (3 millions m² de bureaux). Au contraire d’autres villes qui s’accroissent par un mouvement d’extension territorial, Bruxelles a tendance à rester dans son périmètre existant: les nouvelles constructions se réalisent sur les fondations des anciennes et/ou en détruisant l’existant {Voir L’installation de l’Union européenne dans la ville de Bruxelles}.

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→ De façon générale, le patrimoine architectural va fort souffrir de ces nouvelles orientations urbanistiques et architecturales tendant à faire table rase du passé. Nombreux vont être les bâtiments anciens à être détruits dans la capitale belge. Un des exemples les plus emblématiques est “La Maison du Peuple{icon map-makerPlace Émile Vandervelde – 1000 Bruxelles (à deux pas de la Place du Grand Sablon)} construite par Victor Horta à la demande du Parti Ouvrier Belge (ancêtre du Parti Socialiste) et détruite en 1965 (malgré de vives protestations internationales) pour être remplacée en 1966 par une tour de 26 étages.

Importance accordée à la circulation automobile

L’Exposition universelle de 1958 va, quant à elle, marquer le développement de la culture automobile et la construction de réseaux d’autoroutes urbaines et périphériques. En effet, afin d’assurer au site de l’Exposition (situé sur le plateau du Heysel) une parfaite accessibilité automobile, tant depuis la ville que depuis l’ensemble du territoire national, d’impressionnants travaux sont engagés parmi lesquels le percement de tunnels à proximité du centre-ville et la construction tout autour de la capitale d’un ring autoroutier.

En bref

Le fonctionnalisme va dominer l’architecture des années 1950, 1960 et 1970.

De façon générale, la plupart des grands travaux d’architecture vont être le fruit d’un travail de collaboration entre plusieurs architectes d’un même bureau, voire de différents bureaux.

Parmi les réalisations architecturales importantes de cette époque, on peut citer notamment 2 campus universitaires (Louvain-la Neuve et le Sart Tilman à Liège) ainsi que les immeubles de la “Royale belge{icon map-makerBd du Souverain,25 – 1170 Watermael-Boitsfort (Bruxelles)} (actuel AXA) de Glaverbel {icon map-makerCh. De La Hulpe,166 – 1170 Watermael-Boitsfort} (immeuble de plan circulaire) et de CBR {icon map-makerCh. De La Hulpe,158 – 1170 Watermael-Boitsfort}, à Watermael-Boitsfort (Bruxelles).

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Les immeubles de l’après-guerre cessent de prendre en considération le contexte urbain. Au contraire, ils s’en démarquent tant par le gabarit que par les matériaux. L’architecture du bâtiment participe de la construction de l’image identitaire de l’entreprise qui l’occupe. Les modèles de la tour élevée ou de l’édifice isolé rendu visible à front d’avenue ou de boulevard fréquenté, figurent parmi les exemples les plus significatifs de cette “monumentalisation” des édifices privés {Collectif (Région de Bruxelles-Capitale), Modernisme et Art Déco, éd. Mardaga, 2004, p.116-117} où l’on rencontre fréquemment l’alliance du verre (ou plexi) et du métal (acier ou alu) et l’exploitation des couleurs.

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A partir des années 1980: Importance du post-modernisme

Avec la crise économique du milieu des années 1970, les expressions architecturales vont avoir tendance à se fragmenter de plus en plus. C’est à cette époque que l’on commence à voir émerger le courant “post-moderniste. Apparu aux États-Unis à la fin des années 1970, il remet en cause les théories modernistes et l’emprise, durant un demi-siècle, du style international.

La réaction postmoderne marque le refus d’une vision unitaire du monde, au profit d’une esthétique plus individualiste, valorisant l’histoire. Cette nouvelle architecture éclectique {Tendance qui consiste à mêler des éléments empruntés à différents styles ou époques de l’histoire de l’art et de l’architecture}, qui fait des emprunts disparates au passé, se manifeste par la réapparition de colonnes, pilastres, frontons, d’arcs, de pans coupés… Elle tend à propager une imagerie chargée de références (notamment néo-classique ou Art Déco).

En Belgique, l’architecture postmoderne apparaît au début des années 1980 avec la construction à Bruxelles de l’immeuble “Stéphanie 1″ {icon map-makerAvenue Louise, Place Stéphanie – 1050 Bruxelles} (1983) par l’Atelier d’Architecture de Genval, fondé par André Jacqmain. Avec le “Stéphanie 1” et son jumeau le “Stéphanie Square“, l’Atelier d’Architecture de Genval introduit en Belgique un style combinant la pierre de taille, le marbre et les ornementations en bronze et en acier inoxydable. Parmi ses autres réalisations, on peut citer l’immeuble Surlet de Chokier {icon map-makerPlace Surlet de Chokier, 15 – 1000 Bruxelles} (bâtiment de la Communauté Française) ou l‘Espace Léopold {icon map-makerPlace du Luxembourg –  1000 Bruxelles} (1989-1995), siège du Parlement européen.

De façon générale, les exemples d’architecture post-moderne ne manquent pas à Bruxelles, tant ce style est prépondérant depuis les années 1980: le bâtiment Justus Lipsius (siège du Conseil de l’Union européenne) {icon map-makerRue de la Loi 175 – 1000 Bruxelles}, l’Hôtel Radisson SAS {icon map-makerRue Fossé-aux-Loups,47 – 1000 Bruxelles}, la Kredietbank {icon map-makerAv. du Port – 1080 Bruxelles}

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Cette nouvelle esthétique postmoderne va mener par ailleurs au “lifting” de plusieurs gratte-ciel bruxellois, parés de nouveaux habits postmodernes, comme par exemple la “Tour Madou{icon map-makerPlace Madou -1210 Saint-Josse-ten-Noode}, la “Tour du Midi” {Face de la gare du Midi}, la “Tour des Finances{Au croisement du boulevard du Jardin Botanique et de la rue Royale}.

1 réflexion au sujet de « 14/ Architecture au 20e siècle »

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