10/ La Belgique et la construction européenne

Introduction

Les pays membres

Commencée à 6, l’Union Européenne (UE) compte à ce jour 28 pays membres en 2016. Cela s’est fait au fil d’élargissements successifs:

  • 1951: la France, la République Fédérale d’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg
  • 1972: + le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark
  • 1981: + la Grèce
  • 1986: + le Portugal et l’Espagne
  • 1995: + l’Autriche, la Finlande et la Suède
  • 2004: + l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, Chypre et Malte
  • 2007: + la Bulgarie et la Roumanie
  • 2013: + la Croatie

Outre cet élargissement en termes de pays membres, l’UE va également connaître une extension de ses compétences, au fil des décennies, comme le montrent les différentes étapes présentées ci-dessous.

remarque Remarque: le 23 juin 2016, les Britanniques ont choisi, par referendum (et avec 51,9% des voix) de quitter l’Union européenne. La sortie effective du Royaume-Uni de l’UE (ou Brexit) pourrait intervenir début 2019.

La place de la Belgique dans la construction européenne

Une place géographique

Bruxelles est l’hôte des trois institutions de l’Union européenne (UE) qui forment ce qu’on appelle communément le triangle institutionnel essentiel à son fonctionnement (elles définissent les politiques et les lois qui s’appliquent dans toute l’Union européenne): la Commission européenne (organe indépendant par rapport aux États), le Conseil de l’UE (représentant des États-membres) et le Parlement européen (représentant de la population des États-membres).

La Commission européenne: celle-ci a pour mission de gérer et de mettre en œuvre les politiques de l’UE:

  • elle soumet des propositions législatives au Parlement et au Conseil; elle gère le budget de l’UE et octroie des financements
  • elle veille à l’application du droit européen (de concert avec la Cour de justice)
  • elle représente l’Union européenne sur la scène internationale, par exemple en négociant des accords entre l’UE et d’autres pays

Les 28 commissaires (un par État membre de l’UE) assument la responsabilité politique de la Commission au cours d’un mandat de cinq ans. Le président charge chaque commissaire d’un ou de plusieurs domaines politiques spécifiques. Le président est désigné par le Conseil européen, qui nomme également les autres commissaires en accord avec le président désigné. La nomination de tous les commissaires, y compris du président, est soumise à l’approbation du Parlement européen. La Commission est responsable de ses activités devant le Parlement européen, seul habilité à démettre la Commission de ses fonctions {Commission européenne}.

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Le Conseil de l’Union européenne (plus connu sous le nom de “Conseil des Ministres”): il s’agit de l’instance où se réunissent les ministres des gouvernements de chaque pays membre de l’UE pour adopter des actes législatifs et coordonner les politiques {Conseil de l’Union européenne}. La présidence du Conseil est assurée alternativement par chaque État membre, selon un système de rotation.

  • Il adopte la législation de l’UE
  • Il coordonne les grandes orientations des politiques économiques des États membres
  • Il signe des accords entre l’UE et d’autres pays
  • Il approuve le budget annuel de l’UE
  • Il définit la politique étrangère et de défense de l’UE
  • Il coordonne la coopération entre les tribunaux et les forces de police des États membres

Lors de chaque réunion du Conseil, les pays de l’UE délèguent le ministre chargé de la politique faisant l’objet des débats.

Bxl Juste Lipse

Le Parlement européen {Le Parlement européen est établi dans trois villes: Bruxelles (Belgique), Luxembourg (G.D. du Luxembourg) et Strasbourg (France). Les services administratifs (le “secrétariat général”) sont installés à Luxembourg. Les “séances plénières”, auxquelles participent tous les députés, ont lieu à Strasbourg et à Bruxelles. Les réunions des commissions parlementaires se déroulent également à Bruxelles}: il représente les citoyens européens et ses membres sont élus au suffrage universel direct tous les 5 ans. Il joue trois rôles essentiels:

  • examine et adopte les actes législatifs européens avec le Conseil;
  • il exerce un contrôle sur les activités des autres institutions de l’UE, notamment la Commission, afin de garantir que celles-ci fonctionnent démocratiquement;
  • il examine et adopte le budget de l’UE avec le Conseil.

Le nombre de députés européens de chaque pays est fonction de la taille de sa population. Les députés européens sont regroupés par famille politique, et non par nationalité {Parlement européen}.

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Par ailleurs, Bruxelles est également le lieu des réunions du Conseil européen {Le Conseil européen a été créé en 1974 en tant qu’instance informelle de discussion entre les dirigeants européens. Il s’est rapidement structuré pour devenir l’organe qui détermine les objectifs et les priorités de l’UE.<br>Doté d’un statut officiel en 1992, il est devenu en 2009 l’une des sept institutions officielles de l’UE}. Celles-ci sont, en substance, des sommets rassemblant les chefs d’État ou de gouvernement de l’UE, qui décident des priorités politiques générales et des grandes initiatives de l’Union européenne. Toutefois, le Conseil européen n’a pas le pouvoir d’adopter de textes législatifs. Il est composé des chefs d’État et de gouvernement des États membres et du président de la Commission. Il se réunit au moins une fois par semestre, pendant plusieurs jours, sous la présidence d’un président qui est élu pour une durée de deux ans et demi {Institutions et autres organes de l’UE et Conseil européen}.

Enfin, de nombreuses autres institutions liées à l’Union européenne comme le Comité économique et social européen (CESE) ou le Comité des Régions (CdR), sont également basées à Bruxelles.

Le Comité économique et social européen permet aux groupes d’intérêt européens (syndicats, associations d’employeurs, fédérations agricoles, associations de consommateurs…) de donner un avis formel sur les propositions législatives de l’UE. Le CESE produit en moyenne 170 documents consultatifs et avis par an {Comité économique et social européen (CESE)}.

Le Comité des régions est un organe consultatif représentant les autorités régionales et locales au sein de l’Union européenne. Le rôle du Comité des régions consiste à faire valoir les points de vue locaux et régionaux sur la législation européenne. Il rédige à cette fin des rapports («avis») sur les propositions de la Commission. La Commission, le Conseil et le Parlement doivent consulter le Comité des régions avant toute prise de décisions portant sur des thèmes intéressant les pouvoirs locaux et régionaux (par exemple, la politique de l’emploi, l’environnement, l’éducation ou la santé publique).

Quelque 25.000 fonctionnaires européens travaillent à Bruxelles.

Une place politique

La Belgique est un des six des pays fondateurs de ce qui constitue, aujourd’hui, l’Union européenne.

Différents hommes politiques belges se sont illustrés dans le cadre de la construction européenne. Parmi ceux-ci, Paul Henri Spaak, Léo Tindemans (voir infra) et Herman Van Rompuy.

Herman Van Rompuy, ancien Premier Ministre, est devenu le 1er janvier 2010, le premier Président du Conseil européen. Son deuxième mandat a débuté le 1er juin 2012 et se terminera le 30 novembre 2014.

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1951: La Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA)

En 1951, la Belgique va être un des pays fondateurs de la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA), l’ancêtre de l’actuelle Union européenne.

Cadrage historique

Cette première organisation communautaire a vu le jour au lendemain de la seconde guerre mondiale alors qu’il apparaissait nécessaire de reconstruire économiquement le continent européen et d’assurer une paix durable. L’idée va être de mettre en commun la production franco-allemande de charbon et d’acier. Ce choix n’était pas seulement inspiré par une logique économique mais aussi politique, ces deux matières premières étant à la base de l’industrie et de la puissance de ces deux pays. L’objectif politique sous-jacent va donc être de renforcer la solidarité franco-allemande, d’éloigner le spectre de la guerre et d’ouvrir la voie de l’intégration européenne.

Le ministre des affaires étrangères de la République française, Robert Schuman {Lorrain qui fut officier dans l’armée prussienne avant d’être élu député au Parlement français en 1919}, va dès lors proposer, le 9 mai 1950, dans une déclaration restée fameuse, de placer la production franco-allemande de charbon et d’acier sous une Haute Autorité commune et ce, dans le cadre d’une organisation ouverte à la participation d’autres pays européens.

(…) Le rassemblement des nations européennes exige que l’opposition séculaire de la France et de l’Allemagne soit éliminée (…). Le Gouvernement français propose de placer l’ensemble de la production franco-allemande de charbon et d’acier, sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d’Europe. La mise en commun des productions de charbon et d’acier assurera immédiatement l’établissement de bases communes de développement économique, première étape de la Fédération européenne, et changera le destin de ces régions longtemps vouées à la fabrication des armes de guerre dont elles ont été les plus constantes victimes. La solidarité de production qui sera ainsi nouée manifestera que toute guerre entre la France et l’Allemagne devient non seulement impensable, mais, matériellement impossible. (…)” {Cité in Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.38}.

Six pays (“les Six“) vont répondre à l’invitation lancée par Robert Schuman: la France, la République Fédérale d’Allemagne, l’Italie, la Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg.

En pratique

Le traité instituant la Communauté européenne du charbon et de l’acier va être signé à Paris le 18 avril 1951 et entrer en vigueur le 23 juillet 1952. Le but de ce traité est notamment de contribuer, grâce au marché commun du charbon et de l’acier, à l’expansion économique. Les institutions doivent veiller à l’approvisionnement régulier du marché commun en assurant un égal accès aux sources de production, en veillant à l’établissement des prix les plus bas et à l’amélioration des conditions pour la main d’œuvre. Tout cela doit être accompagné du développement des échanges internationaux et de la modernisation de la production.

La Haute Autorité –institution centrale de la CECA– est chargée de promouvoir une croissance régulière de la production de charbon et d’acier, la libre circulation des produits, le respect d’une concurrence loyale et l’amélioration du niveau social des travailleurs employés dans les secteurs de la sidérurgie et du charbon. L’ouverture des frontières dans le cadre de la CECA verra se développer considérablement le volume des échanges intracommunautaires sur le plan du charbon (trente millions de tonnes en 1955). Dans la foulée, on va constater une tendance sérieuse à l’augmentation de la production {Rogister (Y), La Wallonie dans l’Europe communautaire. De l’intégration économique à la participation au processus décisionnel, 1996}.

La Belgique dans la CECA

A la veille de l’ouverture des frontières entre les “Six” de la CECA, la production charbonnière wallonne atteignait 19 millions de tonnes annuelles. La rentabilité de nombreux puits s’avérait cependant déjà compromise par les effets cumulés de l’épuisement des gisements, d’équipements périmés et de hauts salaires pratiqués en raison d’une pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur d’activité industriel. Sous les pressions des gros industriels (notamment sidérurgistes) consommateurs de charbon, le gouvernement va poursuivre sa politique de subsidiation de l’industrie charbonnière, négligeant de recourir à l’instrument de la reconversion. La sidérurgie était alors la bénéficiaire nette du maintien de cette politique de subsidiation {DORCHY Henry, Histoire des Belges, Des origines à 1991, Éditions De Boeck, Bruxelles, 1991, p.338}.

L’ouverture subite des frontières au sein de la CECA va provoquer une baisse considérable des prix de vente. En dépit de dédommagements provisoires octroyés par la CECA et par l’État belge, la réduction importante des recettes va affecter l’évolution de l’industrie charbonnière. Diminution de la production et fermeture de charbonnages, surtout en Wallonie, vont figurer à l’ordre du jour.

Par ailleurs, en 1957, le bassin houiller belge étant encore excédentaire et donc exportateur (contrairement à plusieurs autres pays membres de la CECA), la Belgique (et plus particulièrement la Wallonie) va se trouver plus affectée par la concurrence des charbons nord-américains – et par celle, récente, du pétrole.

Face à la “crise d’adaptation” qu’ils traversaient, les membres de la CECA vont adopter un certain nombre de mesures, parmi lesquelles vont figurer une limitation des importations d’origine hors-CECA (notamment nord-américaines). Les “Six” vont aussi décider une rationalisation de la production ainsi que l’octroi d’un revenu minimal garanti aux travailleurs licenciés, victimes de la fermeture de nombreux charbonnages consécutive à cette rationalisation. En Wallonie, quelques 5.000 mineurs vont perdre leur emploi dans la foulée de fermetures affectant le Borinage, la région du Centre, Liège et Charleroi. L’enveloppe de 46 millions de FB allouée par la CECA pour financer le recyclage du personnel licencié ne va cependant pas permettre d’éviter l’explosion sociale. Des mouvements de grève vont éclater dans les régions touchées {GERBET (P), La construction de l’Europe, Éditions Imprimerie nationale, Paris, 1994 p. 26-232 et Dorchy (H), Histoire des Belges, Des origines à 1991, Editions De Boeck, Bruxelles, 1991, p. 338-341. Rogister (Y), La Wallonie dans l’Europe communautaire. De l’intégration économique à la participation au processus décisionnel, 1996}.

Cumulée à celle des charbons étrangers et du gaz hollandais, la concurrence du pétrole va provoquer un déclin du rendement de l’industrie houillère belge. Le rythme de ce déclin va s’avérer cependant asymétrique. Il se révélera, en effet, plus rapide en Wallonie qu’en Flandre, où les mines de Campine avaient connu une modernisation récente. Par ailleurs, le charbon ayant constitué un secteur-clef de l’industrie wallonne, au départ duquel l’essentiel de la structure économique de la Wallonie s’est développée, l’amorce de son déclin va avoir des conséquences désastreuses pour l’ensemble de l’économie wallonne. Tous les secteurs liés financièrement et techniquement à l’industrie charbonnière vont être affectés {Dorchy (H), Histoire des Belges, Des origines à 1991, Editions De Boeck, Bruxelles, 1991, p.338-341. Cité in Rogister (Y), La Wallonie dans l’Europe communautaire. De l’intégration économique à la participation au processus décisionnel, 1996}.

Les mesures de réduction de la production charbonnière arrêtées dans le cadre de la CECA vont se traduire, au plan belge, notamment par une planification de la fermeture des charbonnages wallons (prévue, au plus tard, pour 1981) et flamands (au plus tard en 1985). En 1973, le gouvernement belge va même offrir des primes de départ afin d’accélérer la reconversion du personnel employé dans ce secteur d’activité. Les pertes d’emplois vont frapper surtout les charbonnages wallons. La CECA va appuyer le processus de restructuration et de reconversion en offrant à la Wallonie et à la Flandre des prêts destinés à financer la restructuration des charbonnages existant et la reconversion des travailleurs, prêts qui atteignirent, sur la période de programmation courant de 1973 à 1978, la somme de 451 millions de FB. En 1979, la crise énergétique et l’augmentation des prix pétroliers vont provoquer un bouleversement des décisions arrêtées sur le plan de la restructuration du secteur charbonnier et, plus particulièrement, sur le plan des fermetures de charbonnages {La Commission européenne décida en effet la relance de l’exploitation charbonnière dans la Communauté avec pour objectif d’assurer pour 75 % la production d’électricité par le recours combiné au nucléaire et au charbon, ce qui permettrait de considérables réductions des importations pétrolières. Le processus de restructuration fut donc suspendu et les fermetures de charbonnages différées}. Toutefois, ce regain d’activité de l’industrie charbonnière belge (qui va avoir lieu essentiellement au bénéfice de la Flandre) ne va cependant pas empêcher le secteur charbonnier belge dans son ensemble d’être condamné à plus ou moins brève échéance (cette échéance s’avérant néanmoins plus rapprochée dans le cas des charbonnages wallons).

La Conférence de Messine et Paul Henri Spaak

En juin 1955, lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de la CECA qui va se tenir à Messine (Italie), un ambitieux plan de relance de l’Europe, proposé par les pays du Benelux, va être discuté. Ce plan tend à la création d’un marché commun général des 6 pays, au sein duquel serait réalisé la libre circulation des marchandises et des services, des capitaux et des travailleurs. A l’issue de la Conférence de Messine, il est décidé de confier à un comité d’experts (animé par un homme politique) l’étude d’un important programme: l’établissement d’un réseau européen de voies de transport , le développement des échanges de gaz et de courant électrique, l’organisation commune de l’utilisation pacifique de l’énergie atomique, la préparation progressive d’un marché commun sans droit de douane et sans licences d’importation. Placé sous la présidence active du ministre des affaires étrangères belge de l’époque, Paul Henri Spaak, le comité intergouvernemental va ouvrir ses travaux en juillet 1955 et remettre son rapport en avril 1956. Dans ce rapport (très précis), le Comité tend à la création d’une Communauté économique européenne et une Communauté européenne de l’énergie atomique.

spaak-conf de messine

Ce sera chose faite avec la signature à Rome, en mars 1957 de 2 traités:

  • le traité instituant la Communauté Économique Européenne (CEE)
  • le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (l’Euratom).

Ils vont entrer en vigueur le 1er janvier 1958 {Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p. 32-36}.

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1957: La Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom) {Traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique (Euratom)}

Pour combattre le déficit généralisé en énergie “traditionnelle” des années cinquante, les six États fondateurs (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, Pays-Bas) vont chercher dans le nucléaire un moyen d’atteindre l’indépendance énergétique. Comme les coûts d’investissements de l’énergie nucléaire dépassaient les possibilités d’États isolés, les États fondateurs vont s’unir pour constituer l’Euratom.

De manière générale, le traité de l’Euratom a pour objectif de contribuer à la formation et à la croissance des industries nucléaires européennes, de faire en sorte que tous les États membres puissent profiter du développement de l’énergie atomique et d’assurer la sécurité d’approvisionnement. Parallèlement, le traité garantit un niveau élevé de sécurité pour la population et empêche le détournement des matières nucléaires destinées à des fins civiles principalement vers des fins militaires. Il est important de noter que l’Euratom n’a de compétences que dans le domaine de l’énergie nucléaire civile et pacifique.

Le schéma institutionnel du traité Euratom est, dans ses grandes lignes, semblable à celui du traité CEE (voir infra) et repose sur le même “triangle institutionnel” (Conseil, Commission et Parlement européen).

Contrairement au traité CEE, le traité Euratom n’a jamais connu de grands changements et reste en vigueur. La Communauté européenne de l’énergie atomique a gardé une personnalité juridique distincte, tout en partageant les mêmes institutions.

Initialement créé pour coordonner les programmes de recherche des États en vue d’une utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, le traité Euratom contribue de nos jours à la mise en commun des connaissances, des infrastructures et du financement de l’énergie nucléaire. Il assure la sécurité de l’approvisionnement en énergie atomique dans le cadre d’un contrôle centralisé.

1957: La Communauté économique européenne (CEE) {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: Traité instituant la Communauté économique européenne, traité CEE}

Les buts

À travers la mise en place de la CEE et la création du marché commun, deux objectifs sont recherchés:

  • transformer les conditions économiques des échanges et de la production sur le territoire de la Communauté.
  • faire de la CEE une contribution à la construction fonctionnelle de l’Europe politique et constituer un pas vers une unification plus vaste de l’Europe.

Concrètement, on va assister à la mise en place d’un marché commun, d’une union douanière et au développement de politiques communes (agriculture, commerce, transport) {Certaines politiques sont formellement prévues par le traité, comme la politique agricole commune (article 38 à 47), la politique commerciale commune (articles 110 à 116) et la politique des transports (article 74 à 84). D’autres peuvent être lancées selon les besoins comme le précise l’article 235 qui stipule que: «Si une action de la Communauté apparaît nécessaire pour réaliser, dans le fonctionnement du marché commun, l’un des objets de la Communauté, sans que le présent traité ait prévu les pouvoirs d’action requis à cet effet, le Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, prend les dispositions appropriées». À partir du sommet de Paris d’octobre 1972, le recours à cet article a permis à la Communauté de développer des actions dans les domaines de la politique de l’environnement, de la politique régionale, sociale et industrielle. Le développement de ces politiques s’accompagne de la création du Fonds social européen dont le but est l’amélioration des possibilités d’emploi des travailleurs et le relèvement de leur niveau de vie ainsi que de l’institution d’une Banque européenne d’investissement destinée à faciliter l’expansion économique de la Communauté par la création de ressources nouvelles. voir: Traité instituant la Communauté économique européenne, traité CEE – texte original}.

Les institutions mises en place

Le traité CEE met en place des institutions et des mécanismes décisionnels permettant l’expression à la fois des intérêts nationaux et d’une vision communautaire. L’équilibre institutionnel repose sur un “triangle” constitué par:

  • le Conseil des Ministres
  • la Commission
  • le Parlement européen

Accessoirement un autre organe intervient avec voix consultative dans le processus de décision, il s’agit du Comité économique et social.

L’Assemblée parlementaire ne dispose à l’origine que d’un pouvoir d’avis et ses membres ne sont pas encore élus au suffrage universel direct.

Le traité prévoit également la mise en place d’une Cour de justice (dont le siège est à Luxembourg). Elle assure le respect du droit communautaire, l’interprétation et l’application des traités. Elle interprète la législation européenne de manière à garantir une application uniforme du droit dans tous les pays membres. Elle statue également sur les différends opposant les gouvernements des États membres et les institutions européennes. Des particuliers, entreprises ou organisations peuvent également saisir la Cour de justice s’ils estiment qu’une institution européenne n’a pas respecté leurs droits {Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)}.

Le rapport Tindemans (1975)

Confirmant l’engagement pris deux ans plus tôt de transformer l’ensemble des relations des États-membres en une Union européenne, les 9 chefs d’Etat et de gouvernement réunis à Paris en décembre 1974 vont confier au Premier ministre belge, Léo Tindemans, la rédaction d’un rapport de synthèse définissant le concept d’Union européenne. Il ne s’agissait pas là d’une tâche facile. Remettre un rapport trop précis risquait fort de susciter de vives controverses entre les 9 gouvernements et en remettre un trop flou décevrait.

Le 29/12/1975, après avoir recueilli, une année durant, les avis, propositions, opinions des institutions communautaires, des gouvernements nationaux, des “forces vives” des divers pays d’Europe, Léo Tindemans va remettre son rapport. On peut notamment y lire: “la mutation qualitative liée à l’Union européenne (…) ne suppose pas un bouleversement du cadre institutionnel existant mais un accroissement de son autorité, de son efficacité, de sa légitimité et de sa cohérence.». Et il évoque des thèmes longtemps frappés de tabou: une politique étrangère commune et une politique de défense commune. “L’Union européenne implique que nous nous présentions unis au monde extérieur, notre action doit devenir commune dans tous les domaines essentiels de nos relations externes, qu’il s’agisse de politique étrangère, de sécurité, de relations économiques, de coopération.{In Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.185}.

tindemans

→ La publication du rapport Tindemans sur l’Union européenne est une des contributions belges importantes. En effet, il est arrivé à un moment où on se rendait compte de la nécessité de développer la dimension politique de ce qui restait alors essentiellement une entité économique, comme l’exprimait l’expression “marché commun”. C’est suite au rapport Tindemans qu’est née la coopération politique européenne. En venant au moment propice, le rapport Tindemans a contribué à donner une nouvelle dimension à la construction européenne {Ouvry (B), La Belgique et l’Union européenne}.

Élection du Parlement européen au suffrage universel direct (1979) {Piodi (F), Le chemin vers les élections directes du Parlement européen[icon pdf ], Les cahiers du CARDOC, n° 4, mars 2009}

L’option que le Traité CECA donnait aux États membres de procéder à l’élection directe de leurs représentants à l’Assemblée commune n’est pas envisagée par les Traités de Rome, qui prévoient uniquement la désignation par les parlements nationaux. Toutefois, le troisième paragraphe de l’article 138 du Traité CEE énonce: “L’Assemblée élaborera des projets en vue de permettre l’élection au suffrage universel selon une procédure uniforme dans tous les États membres”.

Mais, si la question des élections directes resurgit de temps à autre, sa place sera cependant souvent secondaire et en annexe à d’autres questions.

En mars 1969, une proposition de résolution visant à relancer le débat sur l’élection du Parlement au suffrage direct est approuvée par le Parlement. Cette proposition ne se limite pas à inviter le Conseil à délibérer, elle attire aussi son attention sur l’article du Traité CEE qui prévoit le “recours judiciaire en carence” en cas d’inertie du Conseil.

En septembre 1976, l’acte portant élection des représentants à l’assemblée au suffrage universel direct est signé. Les premières élections auront lieu en juin 1979. Le Parlement européen devient, ainsi, la première assemblée internationale élue.

1986: L’Acte unique européen (AUE) {Sauf mention contraire, ce qui suit est extrait de: L’Acte unique européen}

Les enjeux

L’Acte unique européen (AUE) révise les traités de Rome pour relancer l’intégration européenne et mener à terme la réalisation du marché intérieur (au cours d’une période expirant le 31 décembre 1992).

L’Acte unique (signé en février 1986 et entré en vigueur en janvier 1987) modifie les règles de fonctionnement des institutions européennes et élargit les compétences communautaires, notamment dans le domaine de la recherche et du développement {À l’égard de la recherche et du développement technique, l’article 130F du traité CEE arrête comme objectif le “renforcement des bases scientifiques et technologiques de l’industrie européenne et le développement de sa compétitivité internationale”. Pour ce faire, l’Acte prévoit la mise en œuvre de programmes-cadres pluriannuels adoptés par le Conseil à l’unanimité}, de l’environnement {La préoccupation relative à la protection de l’environnement au niveau communautaire était déjà présente dans le traité de Rome. L’Acte y ajoute trois nouveaux articles qui permettent à la Communauté de “préserver, protéger et améliorer la qualité de l’environnement, contribuer à la protection de la santé des personnes et assurer une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles”. Il est précisé que la Communauté n’intervient en matière d’environnement que lorsque cette action peut mieux être réalisée au niveau communautaire qu’au niveau des États membres (subsidiarité)} et de la politique étrangère commune {L’article 30 prévoit que les États membres s’efforcent de formuler et de mettre en œuvre une politique étrangère européenne commune. Pour ce faire, ils s’engagent à se consulter sur les questions de politique étrangère qui pourraient avoir un intérêt pour la sécurité des États membres. La présidence du Conseil est responsable de l’initiative, de la coordination et de la représentation des États membres vis-à-vis des pays tiers dans ce domaine}.

L’AUE est la première modification de grande portée du traité instituant la Communauté économique européenne (CEE). Il est entré en vigueur le 1er juillet 1987.

L’objectif premier de l’AUE était de relancer le processus de construction européenne afin d’achever la réalisation du marché intérieur. Or, ceci paraissait difficilement réalisable sur la base des traités existants, notamment en raison du processus décisionnel au sein du Conseil qui imposait le recours à l’unanimité pour l’harmonisation des législations. C’est pourquoi, la conférence intergouvernementale qui a abouti à l’AUE avait un double mandat. Il s’agissait de conclure:

  • un traité en matière de politique étrangère et de sécurité commune
  • un acte modifiant le traité CEE, notamment au niveau de la procédure de prise de décision au sein du Conseil {Pour faciliter la réalisation du marché intérieur, l’Acte prévoit une augmentation du nombre de cas où le Conseil peut statuer à la majorité qualifiée au lieu de l’unanimité. Cela rend l’adoption des décisions plus facile en évitant les blocages inhérents à la recherche d’un accord unanime à 12 États membres}, des pouvoirs de la Commission, des pouvoirs du Parlement européen, et de l’extension des compétences des Communautés

→ En créant de nouvelles compétences communautaires et en réformant les institutions, l’AUE ouvre la voie de l’intégration politique et de l’union économique et monétaire, qui seront instituées par le traité de Maastricht sur l’Union européenne.

Le problème des disparités régionales dans le cadre d’un futur marché unique

La volonté d’instaurer un “marché unique” va poser la question des disparités régionales au sein de la Communauté, considérablement aggravées par les élargissements à la Grèce (1981), à l’Espagne et au Portugal (1986). Ces États redoutaient la perspective du Marché unique au titre d’un accroissement vraisemblable des disparités régionales qu’il allait entraîner. Aussi, sous la pression des Etats les moins favorisés, l’Acte unique européen va-t-il devoir également jeter les bases d’une authentique politique régionale commune, en introduisant, dans le dispositif même du Traité, l’objectif originel de réduction des disparités régionales contenu dans le préambule.

Ceci se concrétisera par l’augmentation des ressources allouées aux Fonds structurels destinés à poursuivre 5 objectifs prioritaires:

  • la promotion du développement et de l’ajustement structurel des zones en retard de développement (objectif 1)
  • la reconversion des zones industrielles en déclin (objectif 2)
  • la lutte contre le chômage de longue durée (plus de douze mois) des personnes âgées de plus de 25 ans (objectif 3)
  • l’insertion professionnelle des jeunes de moins de 25 ans (objectif 4)
  • l’adaptation des structures de production, de transformation et de commercialisation dans l’agriculture et la sylvciculture (objectif 5a)
  • la promotion du développement des zones rurales (objectif 5b)

Les objectifs 3, 4 et 5a sont qualifiés d’”horizontaux”. N’étant en effet pas destinés à une région particulière, ils sont mis en œuvre sur l’ensemble du territoire de la Communauté européenne. En revanche, les objectifs 1, 2, 5b sont seuls à poursuivre une finalité régionale. Dans le cadre de la réforme des fonds structurels de 1989, la Wallonie relevait essentiellement de l’objectif 2 {Rogister (Y), La Wallonie dans l’Europe communautaire. De l’intégration économique à la participation au processus décisionnel, 1996}.

→ L’Acte Unique met en œuvre une politique communautaire de cohésion économique et sociale pour contrebalancer les effets de la réalisation du marché intérieur sur les États membres moins développés et pour réduire les écarts de développement entre les régions. L’intervention communautaire se fait à travers le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) et le Fonds européen de développement régional (FEDER) {L’Acte unique européen}.

La Mise en place du marché unique {Un marché sans frontières}

Le 1er janvier 1993 a lieu la mise en place du marché unique et de ses quatre libertés: la libre circulation des marchandises, des services, des personnes et des capitaux. Plus de 200 textes législatifs couvrant la fiscalité, le droit des affaires, la qualification professionnelle… ont été promulgués depuis 1986 en vue d’ouvrir les frontières. La libre circulation de certains services a toutefois été différée.

1992: Le Traité de Maastricht sur l’Union européenne {Traité de Maastricht sur l’Union européenne}

Le traité sur l’Union européenne (TUE), signé à Maastricht le 7 février 1992, est entré en vigueur le 1er novembre 1993.

Enjeu

Il marque une nouvelle étape dans l’intégration européenne puisqu’il permet le lancement de l’intégration politique. Ainsi, avec le traité de Maastricht, l’objectif économique original de la Communauté, c’est-à-dire la réalisation d’un marché commun, est clairement dépassé et la vocation politique s’affiche. Cela va se concrétiser dans le changement d’appellation: la Communauté Economique Européenne devient la Communauté européenne (CE).

Contexte

Ce traité est le résultat d’éléments externes et internes. Sur le plan externe, l’effondrement du communisme en Europe de l’Est et la perspective de la réunification allemande ont conduit à l’engagement de renforcer la position internationale de la Communauté. Sur le plan interne, les États membres souhaitaient prolonger les progrès réalisés par l’Acte unique européen à travers d’autres réformes.

Objectifs

Le traité de Maastricht réunit dans un même ensemble les trois Communautés (Euratom, CECA, CEE) et les coopérations politiques institutionnalisées dans les domaines de la politique étrangère, de la défense, de la police et de la justice.

Dès lors, ce traité:

  • crée l’Union économique et monétaire (UEM): Les États membres doivent notamment assurer la coordination de leurs politiques économiques et sont assujettis à des règles de discipline financières et budgétaires. L’objectif de la politique monétaire est d’instituer une monnaie unique {Le traité prévoyait l’installation de cette monnaie unique en trois étapes successives, la dernière devant débuter au plus tard au 1er janvier 1999 avec la création d’une monnaie unique et l’établissement d’une Banque centrale européenne (BCE)} et d’assurer la stabilité de cette monnaie grâce à la stabilité des prix et au respect de l’économie de marché.
  • instaure une Politique étrangère et de sécurité commune (PESC): Cela remplace les dispositions contenues dans l’Acte unique européen et permet aux États membres d’entreprendre des actions communes en matière de politique étrangère. Ce pilier a un processus décisionnel intergouvernemental, qui fait largement recours à l’unanimité.

    Cette règle de l’unanimité implique qu’il suffit qu’un des Etats membres refuse d’adhérer à une proposition de politique étrangère commune pour anéantir la démarche diplomatique européenne et rendre l’Europe “muette d’une seule voix“. En pratique donc, il s’agit d’une fausse façade: la politique étrangère et de sécurité continue à relever du domaine non communautaire même si la Commission obtient un droit de proposition et si le Parlement acquiert celui d’être informé et de délibérer (mais non de ratifier d’éventuels accords) {Zorgbibe (C), Histoire de la construction européenne, PUF, 1993, p.339}.

    Concrètement, à ce jour, on ne peut que constater l’inexistence “totale” de l’Europe tant sur le plan politique que militaire {Briquemont (F), L’ère de la stratégie du verbe, La Libre Belgique, le 20/6/2012}.

  • instaure une coopération policière et judiciaire en matière pénale (JAI): L’Union est censée mener une action conjointe pour offrir aux citoyens un niveau élevé de protection dans un espace de liberté, de sécurité et de justice. Le processus décisionnel est également intergouvernemental.
  • met en place de nouvelles politiques communautaires dans six nouveaux domaines: les réseaux transeuropéens; la politique industrielle; la protection du consommateur; l’éducation et la formation professionnelle; la jeunesse; la culture.
  • développe les compétences du Parlement européen: le traité crée notamment une nouvelle procédure de codécision qui permet au Parlement européen d’arrêter des actes conjointement avec le Conseil. Cette procédure implique des contacts renforcés entre le Parlement et le Conseil pour parvenir à un accord. En outre, le traité associe le Parlement à la procédure d’investiture de la Commission.
  • institue une citoyenneté européenne: Tout citoyen ayant la nationalité d’un État membre est aussi un citoyen de l’Union. Cette citoyenneté confère de nouveaux droits aux européens, à savoir le droit de circuler et résider librement dans la Communauté; le droit de voter et d’être élu pour les élections européennes et municipales dans l’État où l’on réside; le droit à une protection diplomatique et consulaire d’un État membre autre que celui d’origine sur le territoire d’un pays tiers où ce dernier État n’est pas représenté; le droit de pétition devant le Parlement européen et de déposer une plainte auprès du médiateur européen.
  • institue un Comité des Régions: il s’agit là d’une reconnaissance du fait régional au sein de l’espace communautaire européen. Par le biais du Comité des Régions, les autorités régionales et locales se voient associées aux travaux des Communautés. Composé de représentants des collectivités régionales, ce Comité a un caractère consultatif.
  • crée la possibilité d’une participation des Ministres issus des exécutifs fédérés au Conseil de l’Union européenne: cette disposition fait suite à l’initiative, notamment, de la Belgique (elle-même motivée par les revendications de ses Communautés et Régions). Il s’agit là d’un moment-clé dans les relations entre entités fédérées des États-membres et instances européennes: expression d’une reconnaissance des Régions et Communautés à l’échelon communautaire européen, il associe de manière effective ces dernières au processus de décision communautaire. Les modalités de cette association devaient être fixées au sein de chaque État fédéral membre de l’UE ainsi qu’entre les Exécutifs des entités fédérées {Rogister (Y), La Wallonie dans l’Europe communautaire. De l’intégration économique à la participation au processus décisionnel, 1996}.

→ Avec la signature du traité sur l’Union européenne à Maastricht, la CEE franchit une étape importante en établissant des règles claires pour sa future monnaie unique, sa politique étrangère et de sécurité, ainsi que le renforcement de la coopération en matière de justice et d’affaires intérieures.

L’EURO: la monnaie unique

Le 1er janvier 1999, l’euro devient la monnaie de onze pays (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays Bas, Portugal).

Toutefois, jusqu’en 2002, l’euro est utilisé exclusivement sur les marchés financiers et peu à peu dans les paiements scripturaux: chèque, carte bancaire, virement ou prélèvement.

L’euro est mis en circulation sous sa forme billets et de pièces le 1er janvier 2002 dans les pays de la zone euro avec une période de double circulation euro/monnaies nationales.

Les billets sont identiques dans tous les pays. Les pièces, elles, ont une face commune, indiquant la valeur, et une autre arborant un emblème national. Toutes circulent librement.

Actuellement, 17 pays (des 28 pays membres) ont adopté l’euro comme monnaie unique: Allemagne, Autriche, Belgique, Chypre, Grèce, Espagne, Estonie, Finlande, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Portugal, Slovénie et la Slovaquie.

Ainsi, désormais, parmi les 28, seuls la Grande-Bretagne, le Danemark, la Suède, la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie, la République tchèque, la Pologne, la Lituanie, la Lettonie et la Croatie ne font pas partie de la zone euro.

1995: L’Entrée en vigueur des accords de Schengen {L’espace et la coopération Schengen}

Les accords de Schengen visent à permettre aux voyageurs, de toutes nationalités, de se rendre dans les pays signataires sans contrôle d’identité aux frontières. L’espace Schengen représente un territoire où les personnes peuvent circuler librement. Les États signataires ont aboli toutes leurs frontières internes pour une frontière extérieure unique.

Mais, cette suppression des contrôles aux frontières internes a fait place à un contrôle renforcé aux frontières externes (y compris les ports, aéroports, gares, par où arrivent les étrangers dans les pays Schengen .

Les accords de Schengen {Traité Schengen de 1985} sont entrés en vigueur le 26 mars 1995 dans sept États membres. D’autres pays ont depuis rejoint la zone Schengen qui couvre la quasi-totalité des États membres à l’exception de la Bulgarie, Chypre et la Roumanie qui ne sont pas des membres à part entière de l’espace Schengen. Les contrôles aux frontières entre ces pays et l’espace Schengen sont maintenus jusqu’à ce que le Conseil de l’Union européenne décide que les conditions de suppression de ces contrôles sont remplies. Le Royaume Uni et l’Irlande ont, quant à eux, choisi de ne pas participer à toutes les dispositions de ces accords.

Dans le cadre de ces accords, des règles et des procédures communes sont appliquées dans le domaine des visas pour séjours de courte durée, des demandes d’asile et des contrôles aux frontières.

Par ailleurs, afin de garantir la sécurité au sein de l’espace Schengen, la coopération et la coordination entre les services de police et les autorités judiciaires ont été renforcées. C’est dans ce contexte qu’a été créé le système d’information Schengen (SIS). Le SIS est une base de données sophistiquée qui permet aux autorités responsables des États Schengen d’échanger des données sur certaines catégories de personnes et de biens.

1997: Le Traité d’Amsterdam

Le traité de Maastricht prévoyait une révision des traités afin notamment d’assurer une meilleure efficacité des institutions communautaires en vue des élargissements futurs. Le traité d’Amsterdam, signé le 2 octobre 1997, est entré en vigueur le 1er mai 1999 {Les traités européens}.

S’appuyant sur l’acquis du traité de Maastricht, il contient des dispositions visant à :

  • réformer les institutions européennes {En pratique, il ébauche la réforme des institutions européennes tout en renvoyant à plus tard les principales décisions. Voir: Les traités européens},
  • donner plus de poids à l’Europe dans le monde
  • accroître les compétences de l’Union avec la création d’une politique communautaire de l’emploi {Un chapitre sur l’emploi est inséré prévoyant l’examen comparé des situations dans les pays membres, qui conservent leur compétence nationale dans ce domaine, et l’adoption de mesures incitatives. Le protocole social, adopté par les Onze en annexe au traité de Maastricht, est cette fois intégré au traité. Il se borne à énoncer des principes (promotion de l’emploi, protection sociale, lutte contre l’exclusion et amélioration des conditions de vie et de travail) que les États s’engagent à appliquer en tenant compte de la diversité des pratiques nationales. L’unanimité est maintenue pour les mesures visant la sécurité sociale et les relations employeurs-employés. voir: Les dispositions du traité d’Amsterdam},
  • communautariser une partie des matières qui relevaient auparavant de la coopération dans le domaine de la justice et des affaires intérieures: le traité d’Amsterdam introduit un nouveau titre intitulé “Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes” dans le traité instituant la Communauté européenne. Le contrôle des frontières extérieures, l’asile, l’immigration et la coopération judiciaire en matière civile qui relevaient jusqu’alors de la seule coopération intergouvernementale, sont “communautarisés”. Cette “communautarisation” va s’effectuer, toutefois, progressivement au rythme des décisions du Conseil de l’Union européenne, et au plus tard cinq ans après l’entrée en vigueur du nouveau traité.
  • mettre en place des mesures destinées à rapprocher l’Union de ses citoyens,
  • introduire la possibilité de coopérations plus étroites entre certains États membres: la procédure de coopération renforcée est un mécanisme qui permet d’approfondir la construction européenne entre les Etats membres (huit au minimum) qui le souhaitent. Cette procédure ne peut pas déboucher sur une extension des compétences de l’UE et doit s’inscrire dans le cadre de la réalisation des objectifs de l’Union {Notons que malgré l’existence bien établie des coopérations renforcées, aucune n’a été mise en pratique à ce jour. Les traités européens}.

    nota bene NB; En pratique, les conditions sont si restrictives que l’utilisation de ces coopérations renforcées apparaît bien difficile {Les dispositions du traité d’Amsterdam}.

  • étendre la procédure de codécision ainsi que le vote à la majorité qualifiée, et opérer une simplification et une renumérotation des articles des traités.

En pratique, le traité d’Amsterdam n’apporte pas de solution au problème central de l’efficacité du processus de décision dans une Union dont le nombre d’Etats-membres ne cesse d’augmenter {Les dispositions du traité d’Amsterdam}.

2007: Le Traité de Lisbonne {L’espace européen de liberté, de sécurité et de justice}

Le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1/12/2009, procède à de vastes réformes.

Historique

Une première tentative de réforme eut lieu avec l’élaboration du traité établissant une Constitution pour l’Europe. L’objectif était de remplacer les traités fondateurs de l’UE par une Constitution européenne.

La Constitution fut ainsi signée à Rome le 29 octobre 2004. Toutefois, avant d’entrer en vigueur, elle devait être ratifiée par l’ensemble des États membres. Or, le processus de ratification s’est soldé par un échec dans plusieurs des États membres.

Le 23 juillet 2007, une nouvelle conférence intergouvernementale va être convoquée à Lisbonne afin de trouver une alternative au traité constitutionnel et poursuivre les réformes. L’idée d’une Constitution européenne est alors abandonnée et de nouvelles négociations vont avoir lieu afin d’élaborer un traité modificatif.

Le 13 décembre 2007, les 27 chefs d’États ou de gouvernements de l’UE signent à Lisbonne le nouveau traité modificatif. Le traité de Lisbonne entre en vigueur le 1er décembre 2009, après avoir été ratifié par l’ensemble des États membres selon leurs règles constitutionnelles respectives.

Le traité de Lisbonne est largement inspiré du traité constitutionnel. La plupart des réformes institutionnelles et politiques envisagées dans la Constitution sont reprises par le traité de Lisbonne, mais présentées sous une forme différente.

En effet, le traité constitutionnel devait abroger les traités fondateurs de l’UE pour les remplacer par un seul et même texte: la Constitution pour l’Europe. Par opposition, le traité de Lisbonne ne remplace pas les traités fondateurs, il ne fait que les modifier, comme le traité d’Amsterdam, notamment, l’avait fait auparavant. Le traité de Lisbonne se présente ainsi comme une série d’amendements apportés aux traités fondateurs.

Ce changement de forme n’a pas de conséquence sur le plan juridique mais est très fort sur le plan symbolique et politique. L’idée d’une constitutionnalisation de l’Europe est abandonnée et le droit européen demeure établi par des traités internationaux.

En réaction à l’échec du traité constitutionnel, le traité de Lisbonne abandonne toute référence aux symboles constitutionnels. C’est la principale différence entre ces deux traités. Ainsi {Ce qui suit est extrait de: Le traité de Lisbonne. Du refus du traité constitutionnel au traité de Lisbonne: qu’en est-il des modifications du droit de l’Union européenne ?[icon pdf ]} :

  • Le terme de “Constitution” est abandonné
  • Il n’est pas fait mention dans les traités des symboles de l’Union tels que le drapeau (un cercle de douze étoiles d’or sur fond bleu), l’hymne (l’Ode à la joie), la devise de l’Union (“Unie dans la diversité”), la journée de l’Union (fixée au 9 mai) ou le fait que la monnaie de l’Union est l’euro
  • Les termes de “lois” et de “lois-cadres européennes” sont abandonnés. On retrouve dans les traités, tels que modifiés par le traité de Lisbonne, les termes traditionnels de règlements, de directives et de décisions qui sont pourtant ignorés de la quasi-totalité des citoyens européens
  • Toute symbolique faisant référence à un “peuple européen” est abandonnée

Enfin, le seul élément du préambule du traité constitutionnel qui va être repris par le traité de Lisbonne est la référence “aux héritages culturels, religieux et humanistes de l’Europe”. Cette référence, prise globalement, insiste sur le socle des valeurs communes de l’Union. La référence particulière aux héritages religieux n’est toutefois pas neutre. Les points de vue divergent en effet sur les liens à établir entre l’Union européenne, certaines religions en particulier, et les religions dans leur ensemble.

Les réformes introduites par le Traité

Le Traité de Lisbonne:

  • supprime l’ancienne architecture de l’UE et procède à une nouvelle répartition des compétences entre l’UE et les États membres,
  • modifie le mode de fonctionnement des institutions européennes et le processus décisionnel. L’objectif est d’améliorer la prise de décision dans une Union élargie à 27 États membres,
  • permet notamment aux institutions de légiférer et de prendre des mesures dans de nouveaux domaines politiques.

Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la “Communauté européenne” (CE) devient “Union européenne” (UE).

L’un des changements les plus importants concerne l’espace européen de liberté, de sécurité et de justice. En effet, le Traité de Lisbonne renforce les compétences de l’UE pour:

  • le contrôle aux frontières, l’asile et l’immigration: Le traité de Lisbonne attribue de nouvelles compétences aux institutions européennes qui peuvent désormais adopter des mesures visant à:
    • mettre en place une gestion commune des frontières extérieures de l’UE; grâce notamment au renforcement de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, dite Frontex
    • créer un système européen commun d’asile; un tel système reposera sur un statut européen uniforme et des procédures communes d’octroi et de retrait d’asile
    • établir les règles, les conditions et les droits en matière d’immigration légale
  • la coopération judiciaire en matière civile
  • la coopération judiciaire en matière pénale
  • la coopération policière

La protection des droits fondamentaux

Adoptée en 2000, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne reprend en un texte unique, pour la première fois dans l’histoire de l’Union européenne, l’ensemble des droits civiques, politiques, économiques et sociaux des citoyens européens ainsi que de toutes personnes vivant sur le territoire de l’Union.

Ces droits sont regroupés en six grands chapitres:

  • Dignité
  • Liberté
  • Égalité
  • Solidarité
  • Citoyenneté
  • Justice.

Ils sont basés notamment sur les droits et libertés fondamentaux reconnus par la Convention européenne des droits de l’homme, les traditions constitutionnelles des États membres de l’Union européenne, la Charte sociale européenne du Conseil de l’Europe et la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs ainsi que d’autres conventions internationales auxquelles adhèrent l’Union européenne ou ses États membres.

Ainsi, la Charte va au-delà des droits contenus dans la CEDH en incluant une palette impressionnante de droits économiques et sociaux.

Le texte peut être consulté sur: europarl.europa.eu

Avec l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la Charte est devenue juridiquement contraignante pour les États-membres {Notons que le Royaume Uni et la Pologne bénéficient d’une dérogation quant à son application. En effet, le Royaume Uni et la Pologne ont obtenu une clause dite “d’opting out”. Si la charte lie les autorités anglaises et polonaises, elle ne pourra être invoquée par les justiciables britanniques et polonais et ne pourra pas non plus servir de base à une contestation du droit anglais ou polonais. En outre, la Pologne a obtenu qu’une déclaration (la déclaration n°61) garantisse que “la Charte ne porte atteinte en aucune manière au droit des États membres de légiférer dans le domaine de la moralité publique, du droit de la famille ainsi que de la protection de la dignité humaine et du respect de l’intégrité humaine physique et morale”. voir: qu’en est-il des modifications du droit de l’Union européenne ?[icon pdf ]} et les institutions européennes et constitue désormais un élément central de l’ordre juridique communautaire. La Charte européenne est devenue un élément cardinal du corps de règles constitutionnelles de l’Union. Le Traité stipule que l’Union “reconnaît les droits, les libertés et les principes énoncés dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne du 7 décembre 2000, telle qu’adaptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg, laquelle a la même valeur juridique que les traités“. Ce changement relatif au statut juridique de la Charte fait suite à une bataille prolongée en ce qui concerne la question de savoir si, et le cas échéant comment, la Charte pouvait être rendue juridiquement contraignante.

Toutefois, ce nouveau “label” ne transforme pas l’ensemble des droits, libertés et principes énoncés par la Charte en droits individuels directement opposables du fait du changement de statut de la Charte. Ceci signifie que les individus n’ont pas gagné de nouvelles “options” pour contester la légalité des actes pris par les institutions européennes ou les États membres. Ils n’ont pas obtenu le droit d’exercer un recours à l’encontre de tout acte adopté par une autorité publique nationale ou européenne, dans n’importe quelle situation, sur la base de n’importe quelle disposition de la Charte {Ce qui précède est pour l’essentiel extrait de: Groussot (X), Pech (L), La protection des droits fondamentaux dans l’Union européenne après le traité de Lisbonne, Fondation Robert Schuman, 14 juin 2010}.

Pour plus d’information sur les Traités européens et sur la chronologie de la construction européenne:

À quand une Union sociale ? {Présentation du livre de Jean-Claude Barbier, La Longue Marche vers l’Europe sociale, PUF, 2008 in Truc (G), Des sociétés européennes, une Europe sociale ?, 13/3/2009, Toute l’Europe.eu}

L’Europe sociale a déjà connu des formes de concrétisation au cours de la construction européenne (les principales avancées datant de la fin des années 1980), tant sous la forme de directives et d’accords-cadres qu’au travers d’institutions ou de principes de coordination: doublement des fonds structurels en 1988 et création du fonds de cohésion en 1994, Charte communautaire des droits sociaux des travailleurs en 1989 puis Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne en 2000, création de la méthode ouverte de coordination au sommet de Lisbonne (dont la première mise en œuvre fut la Stratégie européenne pour l’emploi), “activisme juridique” de la Cour de justice des Communautés européennes en matière de législation sociale, etc.

Pour autant, ce serait un abus que de parler d’un “modèle social européen” car, dans le même temps, subsiste une très grande diversité des systèmes de protection sociale qui continuent de fonctionner de manière autonome. Ces systèmes sont bâtis sur des principes de “justice sociale” qui sont propres à chaque pays et profondément ancrés dans des “cultures politiques“, correspondant à “des représentations collectives quant à la justice sociale et la solidarité, non pas en général, mais en lien indispensable, immédiat et historique, avec des pratiques collectives et des institutions nationales“. Et c’est dans ces multiples “cultures politiques” nationales, irréductibles les unes aux autres, que réside la principale résistance à une plus grande convergence européenne en matière de protection sociale. “C’est donc la variété nationale qui domine, et qui dominera encore longtemps la scène d’une solidarité européenne en gestation“.

Un volontarisme politique fondé sur des généralités abstraites et des formules creuses ne parviendra jamais à instaurer un contrat social et une solidarité à l’échelle européenne.

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