06/ Le règne de Léopold III (1934-1951)

A la mort d’Albert Ier, son fils aîné, Léopold III (époux en première noce d’Astrid, princesse de Suède) lui succède.

leo et astrid

La vie politique dans les années 1930 {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Furur, 1987, p. 218-246}

Les implications politiques de la crise de 1929 vont être énormes. En Allemagne, l’effondrement de l’économie va favoriser la prise du pouvoir par Hitler. En Belgique aussi, elle va avoir une influence directe et indirecte dans de nombreux domaines, sur les comportements des individus, des groupes et des partis.

Elle va favoriser la naissance et la croissance de différents partis d’extrême droite (le Vlaams Nationaal Verbond (VNV), le Verbond van Dietsche Nationaal Solidariste (Verdinaso) et le parti francophone Rex), tous plus ou moins influencés par le fascisme italien et le nazisme allemand. Ils ont en commun leur souhait de voir prédominer expressément le pouvoir de l’exécutif et le rejet de la démocratie parlementaire basée sur le système des partis.

Mais, le thème de l’autorité va être en faveur dans de nombreux milieux. Ainsi, il est frappant de constater que les défenseurs de la démocratie vont faire appel, eux aussi, à l’ordre, à l’autorité et à la nécessité de se rassembler autour du trône. Dans les années qui précèdent 1940, pratiquement tous les partis seront favorables, à une amélioration de l’efficacité de la démocratie parlementaire.

L’année 1936 va être une année cruciale. C’est à ce moment-là que les réflexes anti-démocratiques vont connaître un sommet et ce, sous l’influence de la propagande rexiste. Le parti Rex va gagner 21 sièges et le VNV 16. Pour endiguer le raz de marée antidémocratique, un gouvernement d’union nationale va se constituer (juin 1936-octobre 1937) sous la direction de Paul van Zeeland.

C’est à ce moment-là aussi que va éclater (à l’exemple du Front populaire en France {Le Front populaire est une coalition de partis de gauche qui gouverna la France de 1936 à 1937. Il fut le premier gouvernement de la IIIe République dirigé par les socialistes et initia plusieurs réformes sociales importantes.}), en mai 1936 au port d’Anvers, une grande grève. La classe ouvrière s’est réveillée après des années de chômage, de bas salaires et d’arrêt des améliorations sociales. Les ouvriers avaient ressenti, à ce moment, qu’un rétablissement économique était en train de s’opérer. Aussi avaient-ils jugé qu’ils avaient droit à voir leur sort s’améliorer.

La grève générale va entraîner la convocation d’une Conférence Nationale du Travail et ce, alors même qu’elle n’a absolument pas été déclenchée par les dirigeants syndicaux qui ne vont d’ailleurs pas la soutenir au départ {Au début des années 1930, le POB ainsi que les syndicats avaient incité les militants à accepter patiemment des diminutions salariales temporaires dans l’attente de la fin de la crise.}. Sous la présidence du Premier ministre (Paul Van Zeeland), les représentants des organisations syndicales et des organisations patronales vont donc se réunir pour parvenir à un accord.

Un salaire minimum et 6 jours de congés payés vont être instaurés. Les allocations familiales vont être augmentées et la liberté syndicale entièrement garantie.

Par contre, la semaine des 40 heures ne va pas être acceptée. Le Premier ministre estimait, en effet, que vu la faiblesse de la productivité et l’importance de la concurrence étrangère, on ne pouvait pas faire payer aux entreprises le salaire d’une semaine de 48 heures si les ouvriers ne prestaient effectivement que 40 heures de travail.

Par ailleurs, la Belgique va rester un pays à bas salaire. On y produit beaucoup de produits semi-finis n’exigeant que peu de main d’œuvre hautement qualifiée.

La crise économique va reprendre vigueur après 1937. L’attitude de plus en plus agressive d’Hitler est lourde de menaces. Les oppositions partisanes et “communautaires” qui reflètent la division de l’opinion publique vont entraîner une instabilité gouvernementale inégalée.

Lors des élections de 1939, Rex ne va obtenir que 4 sièges (soit une perte de 17 sièges par rapport à 1936). Différents facteurs sont avancés pour expliquer cette chute spectaculaire. Parmi ceux-ci, la déclaration épiscopale du 9 avril 1937 condamnant fermement le vote rexiste et décourageant l’abstention. Mais il y a également le fait que les sympathies de Léon Degrelle (chef de Rex) pour le nazisme sont devenues de plus en plus évidentes, ce qui va pousser les conservateurs qui lui avaient donné leurs voix à retourner vers le parti catholique et le parti libéral.

Après le déclenchement de la seconde guerre mondiale entre l’Allemagne, la Pologne, la France et l’Angleterre, le gouvernement catholique/libéral va être élargi, en septembre 1939, pour devenir un gouvernement d’union nationale, avec les socialistes.

Pendant la période (dite la “drôle de guerre“) qui va précéder l’invasion allemande en Belgique (le 10 mai 1940) l’armée belge va être sur pied de guerre mais le pays continue cependant à s’accrocher à la politique de neutralité qu’il menait (à nouveau) depuis 1936 {date à laquelle la Belgique s’est dégagée de tout système d’alliance, même défensif.}. C’est ainsi que la Belgique va refuser, en avril 1940, l’accès de son territoire aux armées françaises et britanniques (auxquelles elle avait pourtant demandé assistance en cas d’attaque allemande) et va envoyer même deux divisions belges à la frontière belgo-française. Par ailleurs, elle va éviter de donner aux états-majors des “nations amies” toutes les informations qui leur étaient nécessaires pour pouvoir intervenir efficacement en cas d’invasion allemande.

La deuxième guerre mondiale (1940-1945)

L’Allemagne envahit la Belgique, le 10 mai 1940. Après 18 jours de combat, le rapport de force conduit l’armée belge à une capitulation (le 28 mai 1940). Hantés par le souvenir des massacres du début de la 1re guerre mondiale et fuyant les bombardements, près de 2 millions de Belges vont prendre le chemin de l’exil. Nombreux, cependant, seront ceux qui reviendront dans le courant de l’été 1940, après la capitulation française.

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L’occupation {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 25-256}

De juin 1940 à juillet 1944, la Belgique va connaître un régime d’occupation sous forme d’une administration militaire {Ce n’est que le 18 juillet 1944 (soit à 7 semaines de la retraite) qu’Hitler mit en place une administration civile SS qui devait préparer l’annexion de la Belgique par le Reich.}. En l’absence de ministres (le gouvernement étant en exil -voir infra-), ce sont les secrétaires généraux des ministères (dont certains furent imposés par l’occupant) qui vont diriger le pays, conformément à une loi du 10 mai 1940 (portant délégation de pouvoir en temps de guerre). Ils le feront en collaboration avec l’administration militaire allemande. Durant cette époque, plusieurs secrétaires généraux vont démissionner ou chercher à freiner l’occupant en lui rappelant leurs obligations constitutionnelles. D’autres, par contre, vont collaborer ouvertement (et devront s’en expliquer après la guerre).

La persécution des Juifs {Steinberg (M), La persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), éd. Complexe, 2004, p. 15, 34, 204 et Steinberg (M), La tragédie juive en Belgique occupée: un ravage de la xénophobie, in Histoire des étrangers de l’immigration en Belgique, éd. Couleur livres, Bruxelles, 2004, p. 243-272}

Au début de la guerre, la Belgique compte 56.000 Juifs. 25.000 d’entre eux seront déportés. Parmi ces déportés, moins de 5.000 seront encore en vie à la fin de la guerre.

La “Judenpolitik” des autorités d’occupation va se déployer en 2 temps avec l’été 1942 comme date-pivot:

  • Avant l’été 1942: Les Juifs vont être éliminés de la vie publique, culturelle, scolaire, économique et sociale du pays: ils vont être exclus du droit commun belge et soumis à un régime d’exception. Leurs papiers vont être marqués d’un “Juif-Jood” bien visible, ils seront confinés à leur domicile légal la nuit, leurs enfants devront fréquenter des écoles pour Juifs, ils vont être dépouillés de leurs biens (peu avant l’été 1942) et contraints de porter “l’étoile juive”.
  • À partir de l’été 1942: Entre août 1942 et octobre 1942, près de 30% des Juifs se trouvant en Belgique vont être déportés. Il s’agit essentiellement de Juifs étrangers. Mais, à partir de septembre 1943, les Juifs belges vont être également déportés. Les 2/3 des Juifs déportés seront mis à mort au fur et à mesure de l’arrivée des convois à Auschwitz-Birkenau.

juifs

 

nota bene NB; Par ailleurs, 352 Tsiganes vont aussi être déportés. Seuls 15 reviendront d’Auschwitz-Birkenau.

La Flamenpolitik

Tout comme lors de la 1re guerre mondiale, l’Allemagne va mener une politique spécifique à l’égard des Flamands.

Dans le cadre de cette politique, les autorités allemandes vont décider de libérer tous les miliciens néerlandophones (“Flamands”), ainsi que tous les sous-officiers et sous-officiers de réserve qui étaient prisonniers de guerre suite à la capitulation de la Belgique. La plupart des francophones resteront, quant à eux, dans les camps de prisonniers jusqu’à la fin de la guerre {A l’occasion de sa rencontre avec Hitler, le Roi demanda la libération des prisonniers de guerre wallons. Mais, ce fut sans succès.}.

La collaboration

Pendant la 2e guerre mondiale, la collaboration va avoir un caractère idéologique plus prononcé qu’au cours de la 1re. En effet, tant en Flandre qu’en Wallonie, elle a impliqué l’adoption de la doctrine national-socialiste (Nazi).

La collaboration a aidé l’occupant sur le plan militaire (recrutement de combattants), politique (aide active ou passive à la persécution des Juifs et des résistants) et économique (service du travail volontaire).

Le VNV va collaborer avec l’occupant allemand, tout comme le chef du parti Rex, Léon Degrelle. Celui-ci va créer la Légion Wallonie (incorporée en 1943 aux Waffen SS allemands) et va se rendre lui-même au front de l’Est pour combattre les Russes aux côtés des Allemands. La Légion Wallonie va compter, à un moment donné, près de 10.000 hommes.

Au lendemain de la guerre, 53.005 personnes vont être condamnées (soit 0,64% de la population belge de l’époque {0,73% en Flandre, 0,52% en Wallonie et 0,56% à Bruxelles. In Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 254}) pour des faits de collaboration avec l’ennemi.

Les condamnations pouvaient inclure différentes peines: la peine de mort, l’emprisonnement, la privation de certains droits civils et politiques, le renvoi sous la surveillance spéciale de la police, l’amende ou la confiscation spéciale.

Des 1.202 personnes condamnées (contradictoirement ou par défaut) à la peine de mort, 242 seront fusillées. Environ 26.000 condamnés purgeront une peine en prison {HORVAT (S), Le déroulement des procès d’inciviques devant les juridictions militaires en 1944-1949, p. XIII XIV}.

La résistance

Elle va se manifester notamment par des actions telles que l’aide aux aviateurs alliés et aux jeunes Belges désireux de rejoindre les forces alliées, l’organisation de réseaux de renseignements, le développement de la presse clandestine, l’aide aux Juifs {Avec, notamment, la complicité des évêchés et des communautés religieuses. La moitié des Juifs belges échappera ainsi à la déportation.}, des actions de sabotage…

Le tribut payé par la résistance se soldera par 17.000 morts, fusillés, décapités, pendus, disparus dans les camps de concentration ou tombés au combat {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p. 259-261}.

Idée de visite: Le camp de Breendonk à Willebroek et la caserne Dossin à Malines

Breendonk {Mémorial National du Fort de Breendonk –icon map-maker Brandstraat, 57 – 2830-Willebroek –icon phone 32 (0)3/860 75 25icon website breendonk.be} est l’un des camps nazis les mieux préservés d’Europe. De septembre 1940 à septembre 1944, environ 3500 détenus ont séjourné à Breendonk. Durant la première année d’occupation, les Juifs constituent la moitié du nombre total de prisonniers. A partir de 1942 et la création du “Sammellager” de la caserne Dossin (où les Juifs sont rassemblés avant leur départ vers l’est et les camps d’extermination), la plupart des Juifs disparaissent alors de Breendonk qui devient petit à petit un camp pour les prisonniers politiques et les résistants. Devenu un camp de transit, les prisonniers restent en moyenne trois mois à Breendonk avant d’être déportés vers les camps de concentration en Allemagne, en Pologne ou en Autriche. Le régime instauré par les nazis diffère à peine de celui d’un véritable camp de concentration. La sous-alimentation et les travaux forcés minent les corps et les esprits. Les nombreux sévices entraînent parfois la mort des prisonniers. Après la libération, le 4 septembre 1944, le Fort fait fonction de prison pour collaborateurs et “inciviques”, et devient “Breendonk II”.

La caserne Dossin{icon map-maker Goswin de Stassartstraat 153 – 2800 Mechelen –icon phone 32 (0)15/29 06 60 icon time Info et réservations du lundi au vendredi –icon website kazernedossin.eu} est indissociablement liée à l’histoire de l’extermination des Juifs et Tsiganes au départ de la Belgique. En effet, entre 1942 et 1944, les nazis se sont servis de la caserne comme camp de rassemblement pour y regrouper un maximum de Juifs et de Tsiganes. 25.484 Juifs et 352 Tsiganes environ ont été déportés de la caserne à Auschwitz- Birkenau.

Ce lieu chargé d’histoire est devenu un musée qui retrace la persécution des Juifs et des Tsiganes en Belgique.

L’entrée en guerre du Congo belge

Mobilisation des ressources économiques du Congo belge en faveur des forces alliées

L’économie du Congo belge reprenait son souffle quand, en mai 1940, la Belgique va être occupée par l’Allemagne. A Londres où le gouvernement est en exil, le Ministre A. De Vleeschauwer et au Congo, le gouverneur général P. Ryckmans, vont opter pour une mobilisation économique intense du Congo, en faveur de la Grande-Bretagne, élargie ensuite aux États-Unis {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p.285}.

Or, cobalt, tungstène, coton, caoutchouc, diamant, huiles et, plus tard, uranium {utilisé dans la préparation de la 1re bombe atomique}, vont constituer la première et essentielle contribution de la colonie à la cause alliée. Près de 85 % des ressources dont le gouvernement belge (en exil à Londres) va disposer pendant la guerre lui viendront du Congo.

L’effort de guerre des populations congolaises est lourd . L’administration coloniale recourt au travail obligatoire(120 jours/année dans les campagnes) dans les plantations d’hévéas pour fournir du caoutchouc pour les pneus des véhicules des alliés. Les civils sont durement réquisitionnés pour des travaux agricoles, industriels et aussi pour le portage de lourdes charges (sur de longues distances et dans des conditions très pénibles) du matériel militaire {Ce qui précède est extrait de Anicet Mobé Fansiama, Héros méconnus de la seconde guerre mondiale dans Le Monde Diplomatique, juin 2007}. Les tensions et ressentiments sont forts parmi les populations.

Mobilisation des troupes congolaises

Les troupes congolaises se battent en Abyssinie (Éthiopie), où elles remportent de nombreuses victoires sur les Italiens (1941). Après la capitulation italienne, la Force publique – nom donné à l’armée du Congo – mobilise 13.000 soldats et civils afin de combattre en Afrique de l’Ouest contre certaines colonies françaises demeurées fidèles à Vichy {Le gouvernement français de Vichy, dirigé par le maréchal Pétain, va collaborer activement avec les Nazis. Cette collaboration prendra plusieurs formes au cours de la guerre, dont les arrestations de Résistants et de francs-maçons, ainsi que les rafles de Juifs.}. Une partie du corps expéditionnaire déployé en Afrique de l’Ouest est convoyée au Proche-Orient; les premiers contingents arrivent, le 18 avril 1943, à Suez; une brigade est déployée en Palestine. Une antenne médicale, composée de 350 soldats congolais encadrés par 20 officiers européens, se distingue en Abyssinie et en Somalie (1941), à Madagascar (1942), aux Indes et en Birmanie (1943-1945).

Le Congo est aussi le point de passage des troupes alliées: un camp militaire britannique est installé à Kalemie, près du lac Tanganyika, afin d’organiser les convois vers le Kenya. En 1942, une garnison américaine s’établit à Léopoldville (Kinshasa), près de l’aérodrome de Ndolo, afin d’acheminer du matériel et du carburant au Proche-Orient {Anicet Mobé Fansiama, Héros méconnus de la seconde guerre mondiale dans Le Monde Diplomatique, juin 2007}.

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Contestation anticoloniale

À la fin de la guerre, une série de crises vont ébranler le système colonial belge: mutinerie de la Force publique à Luluabourg (Kasaï) en février 1944, où l’un des chefs de la révolte, Karamushi, va proclamer la fin de “Boula Matari” (l’état colonial), révoltes dans la région de Masisi en mars, grève et émeutes à Matadi les 25 et 26 novembre 1945. Chaque fois, la répression va faire de nombreux morts.

La contestation anticoloniale va se manifester également, mais de manière plus organisée et non violente, dans d’autres couches de la population par des revendications d’ordres professionnel et social. Les “évolués” {catégorie créée par le colonisateur et qui désigne une population africaine de niveau socio-professionnel moyen.}, dont la fidélité aux colonisateurs n’avait pas été ébranlée jusque-là, vont réclamer, sinon l’égalité, du moins un statut amélioré.

À Luluabourg (Kasaï), après la mutinerie de la force publique, les “évolués” vont adresser, en mars 1944, un mémoire au commissaire de district dans lequel ils demandent d’avoir “sinon un statut spécial, du moins une protection particulière du gouvernement, qui les mette à l’abri de certaines mesures ou de certains traitements qui peuvent s’appliquer à une masse ignorante ou arriérée {L’ambition majeure des “évolués”, dans les années qui suivent immédiatement la guerre, est d’arriver à se rapprocher la plus possible des Européens. L’Européen constitue un modèle social envié. Ils aspirent à lui ressembler et veulent bénéficier d’un statut spécial qui, consacrant leur “degré de civilisation” atténuera les formes multiples de discriminations qui existent entre les Européens et eux. In Stengers (J), op.cit., p. 250}. Il s’agit là de la première pétition pour un traitement meilleur. L’argumentation repose partiellement sur le fait que les “évolués” ont joué un rôle capital d’intermédiaires limitant la gravité de la mutinerie {Young (C), Introduction à la politique congolaise,op. cit., p. 50}.

La fin de la guerre

Le 7 juin 1944, lendemain du débarquement des troupes alliées sur le Continent, le Roi et sa famille sont transférés par les forces allemandes vers l’Allemagne et ensuite, en Autriche.

Le 2 septembre 1944, les forces alliées franchissent la frontière belge. Le lendemain, Bruxelles est libérée. Le même mois, le gouvernement belge exilé à Londres revient (dans une indifférence quasi générale).

Du fait de l’impossibilité de régner de Léopold III (prisonnier), une régence est instaurée (suite à un vote au Parlement) le 20 septembre 1944 en la personne du frère du roi, le prince Charles.

regent charles

Le Roi et sa famille vont être libérés le 7 mai 1945 par les troupes américaines. Toutefois, le Roi ne va pas regagner immédiatement la Belgique. En effet, en raison de l’opposition d’une partie de la population (voir infra), le Prince Charles continuera d’assumer la régence (jusqu’en 1950).

Au lendemain de la guerre, la Belgique se retrouve avec des frontières entièrement restaurées (y compris les cantons de l’Est que l’Allemagne avait annexés en mai 1940) et une colonie dont la capacité productive n’a fait que s’accroître. Par ailleurs, son appareil de production n’a pas été détruit.

La “Question royale”

Les origines de la “Question royale”: l’attitude du Roi pendant la guerre {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Furur, 1987, p. 245-251}

Au moment de la capitulation (28 mai 1940), le Roi, chef de l’armée et chef de l’État, va décider de rester en territoire occupé et va refuser de suivre ses Ministres en exil pour y poursuivre la lutte. Il choisit ainsi de rester en Belgique en tant que “prisonnier de guerre, se comportant dès lors plus comme un chef des armées qu’un chef de l’État. La surprise est grande auprès des Allemands eux-mêmes qui ont tout prévu, sauf cette présence royale en Belgique occupée.

Les Ministres en exil vont refuser de démissionner et de donner au Roi les contreseings nécessaires pour procéder, éventuellement, à la dissolution du gouvernement et à la formation d’un nouveau gouvernement dans une Belgique dominée par l’Allemagne. Par ailleurs, ils vont dénoncer ouvertement l’attitude du Roi.

Après avoir séjourné à partir de mai 1940 en France, un certain nombre des ministres du gouvernement vont décider, quelques mois plus tard, d’aller à Londres où ils vont être reconnus par le gouvernement anglais comme gouvernement belge.

Globalement, l’attitude du Roi va être jugée positivement par l’opinion publique, au cours de l’été 1940. Le Roi avait évité un bain de sang et avait choisi de partager le sort de ses soldats prisonniers (même si c’était dans son palais de Laeken en compagnie de son entourage). Par contre, une partie importante de la population se montrera irritée lorsque le roi (souverain prisonnier) épousera, en seconde noce, Liliane Baels, en septembre 1941.

En novembre 1940, le Roi va rencontrer Hitler. Léopold III espère obtenir la reconnaissance de l’indépendance belge, ce qui implique d’abord la conclusion d’une sorte de paix (se démarquant ainsi du gouvernement belge de Londres qui a clairement choisi le camp des alliés). Mais Hitler ne va pas se montrer intéressé. Après cet entretien, le Roi va se tenir à l’écart et on ne va plus chercher à lui faire tenir de rôle politique. Il va continuer, par ailleurs, à ignorer le gouvernement belge de Londres et ne va pas répondre pas aux tentatives de contacts et de conciliation. Il ne va pas non plus encourager la résistance.

Un mouvement d’opposition à l’égard du Roi

En raison de l’opposition de la plupart des groupes de résistances et des militants socialistes, des communistes et de beaucoup de libéraux, le Roi, une fois libéré par les troupes alliées, ne va pas revenir immédiatement en Belgique. Du reste, Léopold III n’est pas disposé à changer ses positions. Il n’est prêt ni à pardonner aux membres du gouvernement de Londres leur attitude en 1940, ni à témoigner aux nations alliées (qui avaient reconnu et soutenu le gouvernement belge de Londres) une reconnaissance inconditionnelle {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 350}.

Le non-retour de Léopold III ouvre une phase de crise manifeste dont les éléments étaient en germe dès 1940 (c’est à dire dès le divorce entre le souverain et ses ministres). Le 19/7/1945, les Chambres décident que le retour du roi ne sera possible que si les assemblées réunies proclament, à la majorité, que “l’impossibilité de régner” a pris fin. Les positions des partis sont clairement distinctes: les sociaux-chrétiens sont partisans du retour du roi alors que les autres partis y sont hostiles {Mabille (X), Histoire politique de la Belgique, éd CRISP, 2000, p. 309}.

Faute de trouver une solution politique à la controverse à propos du Roi, “une consultation populaire pour ou contre le retour du Souverain” va être organisée le 12/3/1950. Toutefois, la “consultation populaire” n’étant pas prévue par la Constitution, son résultat ne pouvait être qu’indicatif et son résultat ne pouvait donc lier le parlement ni le gouvernement. La réponse du corps électoral va être “oui” à 57,68 % mais avec des disparités régionales (72,2% de oui en Flandre, 48,16% à Bruxelles et 42% en Wallonie). L’unité du pays était donc en danger. Par ailleurs, des disparités existaient aussi au sein même des régions. Les partisans du retour du roi étaient surtout puissants dans les campagnes et dans les petites villes.

Le 20/7/1950, les Chambres réunies {Le parti social chrétien dispose seul (depuis juin 1950) de la majorité des sièges dans les deux Chambres} vont voter une motion constatant que “l’impossibilité de régner pour Léopold III a pris fin” et le Roi va rentrer à Bruxelles le 22/7.

Immédiatement, de violentes manifestations vont éclater dans les villes. Une grève générale va faire suite à la mort (sous les armes des gendarmes) de 3 manifestants, près de Liège. On va parler de marcher sur Bruxelles et sur le palais royal {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 351-352}.

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Pour sauver l’unité de la Belgique et, par-là, la monarchie, le roi va annoncer le 1er août, qu’il abdiquera dans un terme d’un an si l’apaisement se réalise autour de la personne de son fils, le prince Baudouin (encore mineur à l’époque).

C’est ainsi que son fils Baudouin, à peine âgé de 21 ans, deviendra roi le 17 juillet 1951. Il restera sur le trône jusqu’à sa mort, le 31 juillet 1993.

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L’avènement de la Sécurité sociale {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 337-338}

Après la deuxième guerre mondiale (tout comme ce fut le cas après la 1re guerre mondiale), toute une série de lois et de mesures sociales vont être décrétées. Elles ont en grande partie été préparées par le gouvernement de Londres et, en Belgique occupée, dans la clandestinité.

Toutes ces mesures ne vont guère susciter d’opposition dans un monde qui se mettait à revivre après le cauchemar fasciste. Elles étaient vues par une partie de la droite comme un moyen de rénover la société néocapitaliste et de la préserver de l’agitation d’extrême gauche.

Le 28/9/1944 va être créé l’Office national de la Sécurité sociale (ONSS). Pour la première fois, les assurances chômage et maladie-invalidité vont être rendues obligatoires et les structures déjà créées pour les pensions et les allocations familiales (assurances déjà obligatoires avant-guerre) vont être conservées.

Par ailleurs, l’objectif est de rendre ces assurances plus “généreuses” qu’avant-guerre afin qu’elles constituent un réel remplacement de revenu.

→ Le principe de la sécurité d’existence implique l’octroi aux salariés d’une pension, l’obligation de s’assurer contre la maladie et l’invalidité ainsi que contre le chômage forcé, l’octroi d’allocations familiales et d’une période annuelle de congés.

Il est prévu de financer l’ONSS à concurrence de 8 à 8,25% par une retenue sur les salaires et traitements des employés et à concurrence de 15,25 à 15,50% par les employeurs. Cela va être un nouveau point de départ pour ce qu’on va appeler ultérieurement “l’État-providence“.

Le droit de vote des femmes

Ce n’est qu’en 1948 que le droit de vote va être octroyé à l’ensemble des femmes pour les élections législatives et provinciales.

Le 26 juin 1949, pour la première fois, les femmes belges participent aux élections législatives et provinciales.

Il s’agit là de l’aboutissement d’un long processus. En effet, amorcée en 1902, la revendication du suffrage est devenue prioritaire pour les féministes, à partir de 1912.

nota bene NB; la loi de 1948 instituant le droit de vote pour les femmes est surtout le fruit des efforts du parti catholique. Elle était un élément important de sa stratégie de conquête d’une majorité absolue {Craeybeckx (J), La Belgique politique de 1830 à nos jours, éd. Labor, Archives du Futur, 1987, p. 263}.

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